Ah mais que je déteste ce genre de personnes… les donneurs de leçons.
J’ai une collègue comme ça, une vraie relou de chez relou, tout en se réputant facile à vivre, une chieuse, je vous dis pas. Elle ne fait pas la différence entre son rôle familial et son rôle pro... et ça bourrine sec quand elle voit quelqu'un d'ému par le décès brutal d'une cliente battante et pleine de volonté. Un peu comme mon ex-voisine qui n'avait rien trouvé de mieux à faire, alors que ma minette venait de se faire shooter et qu'elle mourait dans mes bras, que de me suggérer de l'enterrer vite parce que le cadavre allait sentir rapidement...
J’ai une sainte horreur de ce genre de comportement, et si je me surprends à le reproduire, je me déteste à fond et je me reprends de suite. En tous cas, j'espère.
Il y a quelques jours, je vois à la TV une poignée de jeunes se rebeller devant le ton déplacé de la dernière campagne des Zenfoirés. paroles et musique du trèèèès dispensable Goldman; une bande de donneurs de leçon, « encourageant » de jeunes anonymes à “se bouger” pour gagner leur vie, au lieu de toujours se plaindre, de “fumer” et de blâmer les plus vieux. Coluche trouverait ça pas téroche, j’en suis sûre - il saurait se foutre de la gueule de ce genre de suffisance insupportable.
Et voilà qu’aujourd’hui je retombe sur un documentaire Top Chefs, on y voit des stars de la cuisine aller récolter les invendus et prendre l’hénaurme risque de cuisiner pour leur clientèle des trucs qu’ils disent ensuite avoir tout juste sauvés de la poubelle… discours tendancieux : ça n’allait pas finir aux ordures parce que c’était presque pas bon, mais pour des motifs commerciaux. Un poireau invendu ne l’est pas parce qu’il n’est presque pas consommable, mais parce qu’il est… invendable selon des critères de rentabilité… et je n’ai pas envie de plaindre le cultivateur de poireaux quand il dit que des tonnes de verdure vont rester sur pied – elle faisait comment, la nature, avant qu’on surproduise, et qu’on appelle gaspillage le système de dépendance commerciale dans lequel les cultivateurs se sont embringués ? Hein, M'sieur Lignac?
C’est indécent, à la fin !
Et ces chefs qui font des merveilles avec ces produits limites, ben on est bien contents pour eux qu’ils puissent ainsi se faire valoir à peu de frais – une pomme talée, c’est une pomme qui va aller dans une tarte, oui, mais je m’excuse, bonnes gens, de ne quasi plus avoir le temps de cuisiner bien que j’adore ça – j’ai un taf qui me prend plein d’énergie, et si je veux manger dans deux jours une belle pomme intacte qui ne va pas pourrir d'ici là, ou avoir un chouya de vitamines dans mon assiette, ben je choisis la fine fleur des boskoops, et des asperges vertes ou des artichauts, parce que je n’ai qu’à les foutre tels quels dans une casserole quelques minutes pour les manger avec une coulée d’huile de noisette dessus ensuite. J'adorerais avoir le temps et l'énergie de faire un coulis ou un gratin avec des produits moins beaux ... si si, ça me ferait un immense plaisir. L'ergocuisine, un concept très plaisant - même si c'est une resucée de la bonne vieille économie familiale comme décrite dans le gros livre hérité de ma grand-mère... Se faire un chouette plateau-repas ou des spaghs goûtus rien qu'avec des trucs qui ne vont pas forcément ensemble au départ, ça le fait. Et même, je m'en fais, souvent.
« Avancer ensemble et trouver des solutions », M. Etchevest ? Mais oui, c’est tout trouvé : moins produire pour moins jeter… au lieu de vouloir changer l’économie de toute l’Europe, au moins, pour que les salariés aient le temps de se faire tranquillou à manger. T'es gonflé, Monsieur Propre: si j’avais du temps mignon, je m’en ferais, des tartes et des conserves, c’est sûr. Comme il y a 15 ans en arrière ! Tu rêves en couleur, mec, renseigne-toi sur ce qu’est un objectif SMART.
Mais tu vois, M. le cuisinier de métier bien en vue et télégénique, moi je vends pas des soupes gastronomiques, y'en a qui ont beau jeu de montrer l'exemple, Camdeborde compris, comme ça le nom du dernier larron de l'émission est prononcé ... je me fous en l'air la santé à entretenir celle des autres, histoire d'étoffer un ptipeu la minable rente AVS que je vais avoir d’ici quelques années. Et de préférence, je consacre le moins de temps possible aux fourneaux, bien que cuisiner soit un plaisir, histoire d'aller surélever plus vite mes gambettes toutes gonflées de ma journée de travail - elles me font mal.
250 kilos de fraises à la benne. Et alors, Mme Arabian ? Ca va faire du bon fumier, et enrichir la terre. C’était pas la peine de les semer… et ça, comme ça fait des années que ça se répète, ça doit pas être compliqué à comprendre, ni à mettre en place. Et puis laisser un bout de terre en jachère et sans surplus de carottes, histoire de ne pas l’épuiser de tous ses sels minéraux, pourquoi pas ? C'est pas aussi un critère de qualité pour un bon produit, ça?
Pourquoi ne pas commencer par là, avant de pointer le consommateur gaspilleur qui ne veut que de la belle légume et de la yande sans gras, hé, c'est pas un peu normal avec les matraquages diététiques de tous les jours?… sans déc’, faut pas charrier, pourquoi les recettes-terroirs de cassoulet ou de niflettes sont présentées par une Julie toute fine, mais on se fout de qui... Maïté, au moins, annonçait la couleur...
En plus, avec 5 fruits et légumes et 3 produits laitiers par jour, je case où mon triple burger, mes frites et mes fraises tagada, c'est vrai, quoi... merde...