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13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 07:48

 

Je cause sur la toile avec un bonhomme très marrant, un « Aspie » comme ils disent.

 

J’en connais quelques-uns, je les trouve très rafraîchissants, notamment en ce qui concerne le développement de ma capacité à entrer en contact avec les gens, et à mesurer quand et comment y mettre fin. On apprend ça quand on fait des entretiens professionnels… et ça sert aussi dans le privé, par rebond.

 

Asperger manque de neurones-miroirs, il n’a pas dans son cerveau le plug-in de base qui lui permet d’apprendre par mimétisme, et par empathie.

La notion est controversée, mais on s’en fout au fond, c’est un bon début d’explication et en attendant plus de certitudes ou une découverte scientifique irréfutable - un outil précieux pour pouvoir profiter de la relation, qui ne va pas de soi : c’est autre chose qu’un manque d’affinités, ou du mépris pour autrui.

 

Chaque Aspie a un degré différent de déficience de ces neurones, donc ce qu’on croit avoir compris de chacun est à remettre en question à peine capté.

Les expressions du visage, les attitudes, il doit les assimiler comme on apprendrait une langue étrangère. Et comme s’il devait apprendre une langue qui se base sur des images (les idéogrammes) ou un autre alphabet (le cyrillique, l’amharique, le sanscrit), au lieu de l'alphabet romain qu'il a appris.

De fait, mon pote le Zak s’est constitué un glossaire, et un outil de déchiffrement, de logique, qui lui permet de manier la relation humaine avec plus ou moins de bonheur.

Il manie l’humour des mots en les décomposant et les recomposant, ça donne parfois des textes un peu abscons, faut digérer la mitraillette.

 

A 65 ans, il reste sur le qui-vive en société, redoutant toujours de faire un faux-pas.

 

Voilà ce que j’ai compris ou cru comprendre de lui, et il aurait sûrement des choses à rectifier dans mon discours.

 

Parmi ceux que je connais, je repère des attitudes qui me font marrer parce qu’ils font des choses audacieuses : quitter un repas ou une société sans s’excuser de fausser compagnie, par exemple.

Ou alors, intervenir tout-à-trac dans des échanges auxquels ils assistent en silence jusque-là, pour dessiner à mains nues sur une paroi un diagramme, une explication, une illustration percutante de ce qu’ils entendent.

Moi qui comme gamine ai été dressée à ne pas parler aux repas sauf en demandant la permission d’intervenir, et souvent avec la mise en garde d’avoir quelque chose d’intéressant à exprimer, je savoure la liberté de parole que certains parents arrivent à donner, en cadrant néanmoins le gosse pour lui apprendre à ne pas dire ou faire n’importe quoi juste pour attirer l’attention.

 

Des amis que j’ai suivis pour préparer la naissance de leur premier garçon ont fait un boulot d’enfer pour lui apprendre les codes, et à déchiffrer les expressions de ses interlocuteurs. Déjà, il a fallu le temps de comprendre pourquoi le gamin refusait de colorier des dessins selon les consignes reçues (un sapin, c’est vert en haut, et brun sur le tronc, pas vert de haut en bas – un mordicus qui lui apportait de mauvaises notes).

Passage chez le pédo-psy, qui repère immédiatement la particularité Asperger du môme.

On comprend alors pourquoi, quand il était nourrisson, il fronçait les sourcils quand sa mère lui faisait des mines pour le dérider ; pourquoi il avait appris en un temps record les noms de toutes les capitales et la position de tous les pays sur la mappemonde lumineuse reçue à ses 6 ans (je crois). Pourquoi il nous bassinait avec une jolie chanson de Voulzy, qui finissait par perdre de son charme à la 15ème écoute en boucle (je fais la même chose, mais quand je suis seule…)

 

Le deuxième est HP. Je pense que les parents le sont aussi.

HP et Asperger se ressemblent beaucoup, paraît-il. Je suis bien portée à le croire…

Je pense que c’est quelque chose de l’ordre de l’apprentissage social et cognitif, mais dans l’autre sens : aller au bout de ses compétences sociales, pour un HP, serait de l’ordre d’apprendre à s’en aller diplomatiquement d’une soirée où il s’emmerde, à se retirer d’un partenariat professionnel qui ne lui correspond pas. Ou d’un lien affectif qui ne lui apporte rien, même s’il est familial.

Ça n’a rien à voir avec le fait de se croire supérieur ; mais c’est souvent interprété comme de l’arrogance. Ou le fait d’être fâché. L’acte de se barrer remet en question l’estime de soi que l’hôte, l’interlocuteur a de lui-même.

Je connais un HP qui pète toutes les possibilités d’évaluation de QI… et qui m’a dit ne pas savoir comment se comporter avec les femmes. Je lui ai répondu qu’il ne savait visiblement pas comment se comporter avec les gens tout court – comment ménager ses relations pros, déjà, houleuses… et pas plus ses relations privées : après 10 ans d’amitié, son côté contrôlant/obsessionnel/centré sur lui-même a fini par avoir raison de mon intérêt pour la relation. Et à part ça, le fait de tomber amoureux, mais moins d’une personne que de la liste qu’ils ont dressée ensemble : concordante entre les deux parties, elle ne comportait aucune divergence majeure de points de vue sur ce qu’est une relation amoureuse. A part la réaction de la dame quand il a évoqué le polyamour : la dame a répondu ne pas aimer prêter ses jouets.

Pour ma part, je prenais de plus en plus souvent le parti de m’en aller lorsqu’il devenait désagréable, et en lui disant pourquoi je me barrais.

 

Les Aspies m’ont appris une certaine liberté, qui fait merveille pour moi, si toutefois je prends garde à observer un minimum de code diplomatique… l’activation de la mauvaise estime de soi de certaines personnes, générant un jugement de valeur sur l’autre pour digérer ce qu’elles croient, elles, être un jugement de valeur à leur endroit… et aboutissant à une disqualification de cet autre.

 

Par exemple, me retenir de prendre congé en disant que je serais mieux chez moi devant ma télé, à regarder un bon programme que je loupe en restant en société, ou au-delà de « dessert + une heure ». Mieux vaut évoquer ce qui se rapproche le plus vraisemblablement de la vérité : fatigue, grosse journée le lendemain, etc.

Il ne s’agit pas de mentir, mais de mettre en avant, avec des mots choisis, la part de justesse recevable en face, de ce qu’on ressent : une perte d’énergie ou simplement le fait de ne rien ressentir de nourricier dans la rencontre – ou d’être simplement arrivé au bout de ce qui l’était pendant un moment.

 

Tout un apprentissage, ça : prendre ce qui est bon, laisser ce qui l’est moins. Et baster avec les comptabilités qui moralement sont supposées refléter la loyauté et la qualité du lien. Rester se faire chier avec quelqu’un sous prétexte que c’est un ami, quel mauvais service à rendre aux deux parties.

Je regardais hier soir un vieil épisode de « Dr. House » : quand enfin Wilson met à House le pain que celui-ci réclamait pour soulager la tension entre eux, et continuer à ce coût à entretenir la relation, quel soulagement…

Le prix pour remettre les compteurs à zéro : avoir un peu mal à la mâchoire.

 

Et tant pis si la rupture définitive résulte du fait de dire franchement et poliment qu’on ne voit pas pourquoi on réactiverait un vieux copinage, vu que la qualité du temps dans les derniers moments passés ensemble tendait gentiment vers le nul – ou même en-dessous.

Vu que j’ai fait le truc le plus difficile, le plus ultime qui existe – couper les ponts avec ma mère, à part une carte d’anniversaire et un bouquet livré à domicile à cette occasion…

… me retirer d’une amitié qui n’a plus raison d’être devient d’un logique et d’un facile !

 

Et ça n’a rien à voir avec de l’impolitesse, surtout quand la personne s’accroche parce qu’elle ne voit, elle, que ce qu’elle en retirerait – une belle preuve d’égoïsme et d’égotisme.

 

Sachons oser, sachons doser.

 

 

 

 

 

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