Je chuis chuicheche. Suissesse.
CH.
Confédération helvétique. Non, bon, hein, je dis ça pour que ce soit bien net, hein, au cas où quelqu’un n’aurait pas capté.
Vous savez bien, je fais partie de ces gens qu’on pense richissimes, mais qui en fait peuvent peiner à tourner quand ils ont une famille à faire vivre, tant les services, les impôts et les assurances coûtent la peau du tchû chez nous - un tiers de plus que dans l'UE, je viens de l'apprendre... Comme je ne suis pas chef de famille - tout juste responsable d'un Zorro à moustaches - je veille à maintenir l’équilibre, en bossant ce qu’il faut pour m’offrir ici et là quelques menues sorties et voyages amicalo-gastronomico-culturels (et quelques croquettes de luxe ici et là pour qui vous savez)... et surtout, je fais ce que j’aime faire : former, écrire, parfois les deux en même temps. Ce qui me fait mouiller, professionnellement parlant, c'est de donner l'accès à la connaissance et à l'autonomie à ceusses qui n'en veulent (les autres, je désespère pas, à force de leur coûter cher comme écrivain public, p'têt ben qu'ils vont préférer apprendre).
Ici et là, des gens bien intentionnés s’angoissent à ma place au sujet de la petitesse de la retraite qui me guette. Bah. Puisque je me botte assez à donf' dans mon taf, pourquoi m’arrêterais-je à un âge prédéterminé qui ne tient aucunement compte du fantastique pouvoir de jouvence que représente un travail qu’on adore accomplir ?
Mettons que je sois privilégiée de pouvoir penser et agir selon mon credo de décroissance, OK.
Mettons aussi que j’aie le temps de bien me prendre le chou avec de menus soucis d’éthique et de morale. Comme au sujet de ce que Micheline Calmy-Rey a dit au sujet de la bascule éventuelle de la majorité de notre exécutif fédéral vers une majorité féminine – pour info aux esstrangers du dehors, la dame en question est une de nos conseillères fédérales, et cet automne les chambres vont élire deux nouveaux conseillers (ères). Ils sont sept nains en tout, plus Blanche-Neige - heuh pardon, le chancelier - qui, je suis hilare de le signaler, est ces temps-ci une chancelière, et même pas la première, en plus!
Alors d'abord, hein, Bouddah est grand, y'a pas à dire : songez donc que la première femme dans la place forte, c'était en 1984... et que tout juste un quart de siècle plus tard, on en est à chouiner sur "plusse de femmkedomm au pouvoir suprême?" ! Fâââh. On n'arrête pas le progrès.
Micheline, elle est comme tout le monde, hein, y’a à prendre et à laisser, voilà, vivons en paix. Hé ben elle a dit, Mimi, que fallait quand même penser à l’idée de la représentativité en politique que se font pas mal de nos concitoyens … et que plus de femmes que d’hommes au pouvoir suprême, c’est, du coup, pas téroche pour la crédibilité du Conseil fédéral. A l'heure qu'il est. Bah, il n'est jamais que mi-nuit, Docteur Schweitzer.
Mais bon; je crois pas que ça lui fasse immensément plaisir de faire ce constat, à Micheline. « Hê », comme dirait d'un air finaud la blonde de la pub « Marques-repères » de chez Leclerc. En attendant, cha a fait un carton, et les dents bien serrées aussi: tollé chez nos féministes locaux. Michou au pilori, houh-la–vilaine, trahison de son propre sexe, insultes et Cie à la moitié de l’humanité suisse (je commence petit, hein, prudence Hortense, la mondialisation de la parité, c'est pas pour demain - pour le partage de la connerie, par contre, on est bien au point, no souçaille).
Aparté: tiens... ça me rappelle les remarques débiles et psycho-rigides quand Mimi a mis un foulard sur ses cheveux pour rendre une visite diplomatique à un dirigeant musulman… la reconnaissance d’autres valeurs, c’est pourtant une quittance indispensable pour pouvoir ouvrir le dialogue ; quand on est au service d’un peuple, il y a sûrement quelques principes persos sur lesquels il faut ici et là s’asseoir, même si ça fait un peu mal au joufflu. C'est sûrement pas de gaieté de coeur qu'elle a mis ses mèches sous tente, Mimi - en plus, ça doit coûter bonbon à entretenir, comme look.
Tsââ. Micheline a le cœur à gauche, et il n’y aucun parti des femmes en Suisse, que je sache. Par contre, qu’est-ce qu’on vous guette constamment au contour quand vous en êtes une … faut toujours être meilleure que l’homme pour le même poste, toujours veiller à pas se faire entuber sur la fiche de paie… mais aussi, faudrait voir pour laisser la parité s’installer dans l’intendance familiale et l’éducation des mômes, les mecs sont pas épargnés non plus, et la mauvaise foi si bien partagée... yiiik, je m’égare, je m’égare. En tous cas, stéréotypes pas morts. Bien-pensisme souverain, aussi.
Mais merde, un peu de réalisme, même si c'est salissant, c'est bon à prendre. Je trouve qu’elle a raison : faut faire avec la multiplicité des perceptions entre nos cantons, nos régions linguistiques - veut, veut pas, de G'nèèèèève à Grindelwald, on n’a pas la même culture ni la même perception de ce qu’est un progrès social ! Fouzy encore les Alpes par-là au travers, ah je te jure que c'est coton pour faire raccord avec les Latins...
Ici, dans cette Chuiche qui a commencé à se pacser parmi en 1291, et dont le dernier canton à accorder le droit de vote aux femmes l’a fait seulement hier ou à peu près, faudrait surtout pas tenir compte des mentalités ? Mais vazy, fonce, le mur est juste devant ! C'est pour le Crash-test Dummies' Award?
Ce qu'elle a dit, Mimi, c’est déjà mieux dit que Bidochon qui se sent cerné par les cons, doucement les basses…
La vraie parité arrivera le jour où il faudra aller chercher dans une encyclopédie pour comprendre la signification de ce terme - tout comme faut fouillasser aujourd'hui pour pas se mélanger les pinceaux entre taille, dîme et gabelle, et répondre tout juste et très vite à Kestion-Pourunchampion. Là, on y va gentiment… c’est comme un diabétique décompensé : s’il n’a pas assez de sucre, faut pas lui balancer le kilo dilué dans les veines; s’il en a trop, faut pas l’inonder d’insuline non plus, catastrophe annoncée dans les deux cas!
Sur l’échelle du changement, d’un côté je vois « Evolution »: ça parle de tranquillité, de changement d’autant plus profond et durable qu’il survient en douceur.
De l’autre je vois « Révolution » et même « Révolte », et qu’il va y avoir des pleurs et des grincements de dents - déjà là, j'ai l'impression qu'on bouffe de l'alu sur les plombages... Cette rage de vouloir tout et tout de suite, je trouve ça presque… adolescent.
Questions, remarques, problèmes ?
Oui, la personne au fond de la salle ? Vous demandez quelle est la différence pour moi entre l’éthique et la morale ?
La morale est l’ensemble des règles qu’une société donnée dans un temps et un lieu met en place pour trouver un équilibre ; la morale sert d’ailleurs très souvent à faire, défaire et remanier les lois. A s’indigner aussi, vertueusement, parfois. Non : souvent. Histoire de rester dans le trend et la panurgerie. Mmhhoué. Le totalitarisme le plus puissant est aussi le mieux caché du monde: dans les habitudes de pensée...
L’éthique, c’est la faculté de pouvoir remettre en question la morale, et d'entériner le changement qui s’opère quand une société et ses valeurs se darwinisent. Donc, de prendre tout avis comme valable, et non pas comme une insanité proférée par un trouduc patenté quand on n’est pas d’accord avec, ni de proclamer sa vérité-à-soi comme universelle juste parce que c’est la nôtre. Donc, en plus de tenter le pari de comprendre son "ennemi", de prendre le risque de se faire huer.
[Hé, Micheline, j’ai rien contre toi, j’ai rien pour non plus, je suis une apolitique crasse, une mauvaise citoyenne que ça fait chier d'aller voter à tout bout de champ et qui du coup n'y va que quand il lui tombe un oeil, et pourtant je suis fille de typographe... justement: mon truc pour faire changer quelque chose, c'est d'écrire, chacun son combat... – ben Micheline, je voulais te dire que grosso-modo tu t'en tires assez bien, je suis contente de ton boulot dans l’ensemble, je te trouve bien courageuse d’oser écorner l’orgueil immense de certains, et de dire des choses qui te valent des retours pleurnichardo-offusqués - c’est bien que des gens comme toi aillent au charbon. Donne-moi ta main, on est d’accord sur ce coup-là, entre autres.]
Ai-je répondu à votre question, au fond?
Si oui, merci de votre attention.