Un thème que je réaborde pour la ixième fois, sûrement.
Voilà 4 ou 5 ans, voilà-t-y-pas qu’une connaissance habitant vers Nice me propose de monter un site de causette. Car après de longs échanges fertiles sur le net, et quelques visites très sympathiques du côté de Vallauris en été, on s'est dit qu’il y avait de quoi faire…
J’avais assez envie de comprendre un peu plus d’informatique, je me suis piquée au jeu de monter le forum ; et comme une seule personne pouvait disposer des droits d’administration, ben je me suis trouvée aux commandes.
Succès immédiat. En quelques semaines, c’était devenu un carrefour vrombissant d’idées, assez joyeux.
Bon, je me suis rendue compte ensuite que ma partenaire avait été relancer les personnes qui causaient sur un autre site, à l’exception de la personne qui avait lancé ce site – quelqu’un de vindicatif, de très paumé, d’extrêmement méfiant, de très intelligent et qui quand elle s’en est rendue compte, a cherché par tous les moyens à nous emmerder.
Quand j’ai compris que ces deux-là m’utilisaient chacune à leur manière pour régler leurs comptes, en 36 heures, le jour de mon anniversaire, pour pouvoir transférer les pleins pouvoirs à mon ex-partenaire, j’ai vidé les fils de leurs contenus en déposant tout dans un réservoir de transition. Et une fois qu’elle a repris les rênes, j’ai tout remis en place.
Après, il a fallu encore un peu de temps pour que l’autre teigne me lâche, c’est vrai. Mais ensuite, j’ai eu la paix royale, sans plus même aller assister à leurs crêpages de chignon. Pour dire les choses clairement, j’ai quitté le forum que j’avais créé.
Entretemps, on avait bien vu que c’était difficile de garder un cap de convivialité en étant juste deux personnes avec fonction de modératrices, d’autant plus que le rythme des échanges était assez effréné : le volume à gérer a cubé, on était débordées, passionnées aussi, mais ça ne suffisait plus.
J’étais en train de m’épuiser, de devenir beaucoup moins patiente : pour réguler des échanges houleux ou douteux, je fermais la porte de diverses manières. Ayant les droits d’administration, tous les jours je devais gérer les nouvelles demandes d’inscription, et celles de ma partenaire concernant l’organisation des fora, des fils, etc. Même avec tout mon temps à disposition, ça ne le faisait plus.
On a donc proposé à deux personnes de confiance de prendre aussi le rôle de modératrices ; ça supposait évidement qu’on ait un cadre commun… à ce stade, je me suis mise à chercher auprès d’autres admins et modos de site des conseils sur la gestion des crises.
Premier impact : on avait élaboré une charte de communication, faite de bric et de broc. La loi Hadopi n’était pas encore sortie, elle nous a aussi aidées à replacer certains points nébuleux. Et ce cadre commun nous a autant aidées à trouver un fonctionnement harmonieux qu’à nous poser quelques questions cruciales : quels moyens avions-nous de réguler les échanges, en-dehors de laisser tout se dire ou de bannir les pénibles ?
Finalement, on a opté pour quelque chose d’assez simple : en cas de débordement, et comme nous n’avions pas toutes la même notion de ce que c’était... la première qui se sentait mal à l’aise devant un post le transférait sur un lieu interne de discussion entre modos, en avertissant son auteur que son discours était en cours d’évaluation et qu’on allait lui dire comment amender ses formules en le renvoyant à la charte pour le faire.
On y causait, pour voir ce qu’on allait demander de changer. Bon, notre erreur, c’était de vouloir absolument trouver un consensus. Avec le recul, je me dis que la seule solution valable et qui laisse les échanges dynamiques, c’est de tenir compte du moindre malaise – avec le temps, chacune a géré avec plus d’aisance ses propres intolérances.
On avait appelé ça le « frigo à bla-bla ». En fait, soit la personne revenait avec quelque chose d’adouci, qui lui permettait quand même de faire valoir ses opinions ; soit elle se barrait d’elle-même.
On avait aussi mis au point un système de bannissement provisoire, s’il fallait signaler à quelqu’un qu’il passait les bornes, ou nous fatiguait avec des posts à reprendre à chaque intervention.
Et à chaque fois, un petit bout de la charte se précisait un peu plus. On pouvait donc y renvoyer plus facilement les intervenants qui viraient tronche-de-cake.
On y posait aussi que si deux personnes ou plus avaient envie de s’engueuler, qu’elles le fassent par message privé sans importuner la communauté. Et que tout message public ne respectant pas ce point serait juste effacé, purement et simplement.
Mais surtout… partager la charge restait le premier principe. Car rester seul aux commandes fait virer l’administrateur et modérateur au tyran laxiste à l'occasion, dès lors qu’il ne peut plus faire face au volume de travail. Et définir les lignes de la modération, c’est un must.
Avec le recul, je me suis même dit que je ne rouvrirais plus aucun site si je ne pouvais payer un modérateur extérieur, compétent, comme un psy ayant l’habitude de mener des réunions de groupe. Et que je n’hésiterais pas à fermer le site le week-end, si je ne pouvais payer quelqu’un d’autre pour assurer 24h sur 24.
Comme ça, je pourrais rester membre et me faire plaisir…
Parce qu’il n’y a pas à tortiller : le net, en ne mettant pas réellement les gens en présence, autorise les débordements. Il y manque le para-verbal et le non-verbal, donc 93% du sens du contenu des messages, que chacun interprète avec sa propre sensibilité. Aucun émoticône ne peut réellement remplacer la présence…
C’est terriblement génial, de pouvoir tchatter avec un zigue qui habite aux antipodes, mais ça a sa part d’ombre, de sentiments qui se font et se défont à la vitesse de l’éclair, à travers un épais rideau spatio-temporel.
Des fois, les forums, c’est « Star-Trek », « Perdus dans l’espace », et « Alien » tout ensemble.
Grosse fatigue.