Fission versus fusion, vous connaissez ?
Je suis tombée sur l’idée de la fission en lisant des fragments d’un bouquin de Claire Reed, après avoir conversé avec la psy-coach que j’ai fréquentée pendant près de dix-huit mois : je cherchais d’abord comment trouver un poste qui me propulserait définitivement hors d’un domaine professionnel premier, puis de fil en aiguille, je me suis mise à chercher comment concilier diverses facettes professionnelles en un vêtement confortable et unique.
La première option était moins intéressante, j’ai fini par m’en rendre compte : c’était à moi de prendre soin de compétences disparates, et de bâtir un univers pareil à l’œil d’une mouche. Il n’y aurait pas de vêtement unique, mais une tenue unique faite de vêtements multiples. J’avais trouvé un temps une ligne de fringues assez géniale, dont les éléments pouvaient se transformer et se combiner au fil de la journée… le concept me bottait bien, dommage qu’il ait disparu.
Comme dit quelqu’un de ma connaissance, « Vivre ses rêves au lieu de rêver sa vie ».
Au passage, je lui parlais, à la psy-coach, de ma vision de l’amour, évoquant la difficulté à être à deux, une fois que l’on revient de l’éblouissement de la rencontre : comment continuer à être soi, puisque le compromis est inévitable si les sentiments veulent survivre aux discours qui peuvent se croiser sans jamais se rencontrer? La littérature psychologisante parle volontiers d’un truc aussi nébuleux que magnifique, qui consisterait à devenir meilleur à travers la relation à deux. Meilleur comment, voilà bien la question, puisqu’elle est propre à chacun ?
Pour ma part, ce serait chercher comment transformer l’hésitant en du ferme, le ferme en du malléable, le malléable en lâcher-prise subtil qui s’accommoderait du fait de la différence, respectant l’autre autant que soi. Voilà pour la théorie… dite comme ça, elle est bien belle.
Le livre de dame Reed mettait le doigt sur un intéressant mécanisme de couple : là-dedans, il y en a toujours un, semble-t-il, qui est plus fusionnel que l’autre, et l‘autre plus fissionnel. Un qui veut être « ensemble », et l’autre, à distance. Le rapport avec moi ? Déjà, je vivais à l’époque une histoire d’amour qui cherchait ses marques, et se greffait sur l’histoire de boulot où je cherchais les miennes, de marques. Etre un, ou être multiple, comment, pourquoi, etc.
Que ce soit en amour, en amitié ou en travail, la multiplicité de l’individu est unique. Ta différence et la mienne, ça fait deux, bien que nous soyons tous les deux différents. Ahem. Relis-bien, lecteur, c’est là que les Athéniens s’atteignirent, tant revendiquer sa différence peut prendre toute la place, et empêcher d’accueillir celle de l’autre.
Je bute sur la difficulté à entendre et faire entendre la différence, simplement, et d’abord à faire un chemin intérieur pour arriver à bien s’écouter d’abord. Savoir de quoi on est fait, ce qui reste un mystère à peine moins épais en fin de parcours qu’au début. Mais est-ce si intéressant que cela, puisque par exemple la nécessité de travailler nous amène forcément à respecter des règles qui nous tiraillent, à chercher le moins pénible des équilibres entre des valeurs d’une corporation qui nous permet de payer nos factures, d’avoir un toit sur la tête et d’être reconnu comme membre d’un groupe ? Donc être différent ne peut juste se résumer à la proclamation de son individualité, du moins pour quelqu’un qui dépend un peu ou beaucoup de son entourage. Toute vérité n’est pas bonne à dire, soit. Mettons qu’en cherchant constamment jusqu’où je ne peux pas aller trop loin avec cet entourage, je me donne indirectement la liberté d’explorer le champ des possibles en la matière.
Deux avantages : celui-là – comprendre ce champ – et repérer les gens qui sont perméables à un autre genre de discours, de collégialité, d’échanges, repérer des partenaires professionnels avec lesquels un projet a de bonnes chances de décoller, d’être créatif. Corollairement, repérer les irréconciliabilités de caractère, de vue, de collaboration.
Un petit exercice sympathique vécu avec les membres de mon premier niveau de formatrice d'adultes m’a ouvert une voie rigoureuse et porteuse de bien-être. Une des filles bossait pour le Géant jaune de chez moi, j’ai nommé la poste.
Nous devions tour-à-tour assurer une mini-leçon de 30’ : la sienne m’a allumé une lampe-tempête dans le cerveau, littéralement.
Elle nous a parlé des perds-temps de chacun.
Première leçon magistrale : tout en parlant du temps perdu, de comment en gagner, elle-même en prenait à son aise, observant des temps de pause, tranquille. C’est court, 30 minutes… et après 25, nous nous demandions toujours où elle voulait en venir… au point de nous mettre dans l‘inconfort, carrément : on se jetait des coups d’œil en nous tortillant dans nos chaises, craignant pour la réussite de son exercice comptant pour validation.
C’est dans les 5 dernières qu’elle nous a renvoyés à nous-mêmes, et avec quel brio : elle nous a distribué une page A4 format paysage, où nous devions en quelques mots-clés inscrire trois guide-ânes en–dessous de trois questions simples.
Voilà ce que cela donnait :
« Mon perd-temps sur lequel je veux gagner du temps : ……………………………..
Quelles peuvent en être les causes : ……………………………..
Quelle mesure je mets en place : ……………………………….. »
A la première, j’ai répondu « Eviter le boxon des autres »
A la deuxième, « Mauvais choix de ces autres ».
A la troisième, « Me tenir à un partenaire pro fiable -> chercher, trier, choisir ».
Nous devions ensuite mettre notre papier sous enveloppe et les lui remettre pour qu’elle les pose dans une boîte aux lettres. Nous les recevrions par la Poste quelques jours plus tard.
Je l’ai reçu, ouvert, placardé sur mon tableau pense-bête, ça fait deux ans qu’il y est et que je m’y réfère sans cesse. Et c’est ainsi que j’ai repéré mon associée actuelle.
En recherche d’authenticité, je suis un peu dans l’excès de rugosité, du coup. Mais qui ne risque rien n’a rien. Et je sais ce que je recherche : des partenaires privés et professionnels capables de quittancer ce que je dis, sans projeter leur vision sur ce que je raconte ni me servir de solutions toutes faites. Je bosse dans un milieu qui forme les gens à l’écoute, la reformulation, l’attention totale tour-à-tour dans les échanges, pour que les personnes affaiblies et prises en charge pour cette raison puissent exercer leur autonomie de jugement. Je cherche ça aussi en amour, en partenariat. En partenariat, il semble que j’aie enfin trouvé quelqu’un qui réunisse ces critères – et de plus, puisse me dire quand il lui semble que je ne l’écoute plus (l’esprit glisse, eh oui, résolution n’est pas atteinte du but…). En amour, ma foi, la solitude ne me pesant guère dans ma quête principale d’authenticité, le drapeau ne flotte pas actuellement, mais il est au mât. L’amour familial, lui, s’est équilibré un peu plus à partir du moment où j’ai rompu le cordon ombilical : mon affection s’est manifestée différemment face aux proches que j’avais un peu laissés de côté, toute occupée à me débattre avec ma relation à mes parents.
Un truc me poursuit depuis longtemps : obligée d’entrer dans une corporation professionnelle dont la plupart des valeurs ne me convenaient pas, je me suis débattue les 20 années suivantes dans un conflit de rôle étouffant.
Cheminant avec de nombreux psys pendant ce temps, j’ai mûri un projet de sortie de cette corporation qui n’a pas abouti tant que je ne voulais que « sortir » sans avoir déterminé où je voulais aller.
Parallèlement au conflit de rôle, une notion s’est dégagée avec de plus en plus d’acuité, celle du vrai-self / faux-self. Comment supporter d'être soi, formaté par un environnement difficile...
C’est Donald Woods Winnicott, psychiatre et psychanalyste, qui a posé les bases de cette distinction, fondamentale à mon sens pour la recherche de la différenciation, ou l’individuation.
- « Le vrai self désigne l'image que le sujet se fait de lui-même et qui correspond effectivement à ce qu'il est et perçoit à travers une réaction adaptée.
- Le faux self désigne une instance qui s'est constituée pour s'adapter à une situation plus ou moins anormale et contraignante. L'image qui est alors en cause est défensive et fonction de réactions inadaptées de l'environnement et est surtout représentative d'un rôle qu'on lui aurait imposé. » (Wikipedia)
De même, il décrit les cinq degrés d'organisation du faux self (Wikipedia, encore):
- À l'extrême, c'est le faux self que l'on prend pour la personne, le vrai self inapparent restant dissimulé. Cependant, il manque au faux self « ...quelque chose d'essentiel. ». Socialement la personne est ressentie comme fausse.
- Le faux self protège le vrai self qui reste virtuel. C'est « ...l'exemple le plus clair d'une maladie clinique organisée dans un but positif : la préservation de l'individu en dépit des conditions anormales de l'environnement. »
- Plus proche de la santé, le faux self prend en charge la recherche des conditions qui permettront au vrai self de « recouvrer son bien ». Son bien: c’est-à-dire son identité propre.
- Encore plus proche de la santé, le faux self « ...s'établit sur la base d'identifications... ».
- Chez une personne en bonne santé, le faux self est constitué de ce qui organise « ...une attitude sociale polie, de bonnes manières et une certaine réserve. ». C'est cette politesse qui permet la vie en société.
Je pense avoir progressivement atteint le dernier stade, me colletant même avec la politesse parfois… avec une importante nuance : tenter de faire la différence entre l’affrontement et la confrontation des idées.
La politesse entre du coup en compétition avec la franchise, qui se heurte à la diplomatie. Tentant la voie de la franchise, je vois bien que des confrontations de ma part sont reçues avec le filtre personnel de chaque interlocuteur, teintant les échanges d’un malentendu basé sur la limite individuelle que chacun pose entre la confrontation et l’affrontement. C’est une question d’assertivité.
L’assertivité (http://fr.wikipedia.org/wiki/Assertivit%C3%A9 ) – ben oui, Wikipedia toujours…
« L'assertivité, ou comportement assertif, est un concept de la première moitié du XXe siècle introduit par le psychologue new-yorkais Andrew Salter désignant la capacité à s’exprimer et à défendre ses droits sans empiéter sur ceux des autres. Il a été développé plus récemment par Joseph Wolpe, psychiatre et professeur de médecine américain, qui le décrivait comme une « expression libre de toutes émotions vis-à-vis d'un tiers, à l'exception de l'anxiété ». Plusieurs ouvrages de vulgarisation ont été publiés dans la seconde moitié du XXe siècle pour faire la promotion de l'assertivité, en particulier dans le cadre du développement personnel. »
L’œil de la mouche est un bel exemple de tout ce que je viens de raconter : la mouche voit l’environnement dans toute sa multiplicité, cumulant ses divers filtres de perception, en je ne sais combien de visions différentes ( http://1.bp.blogspot.com/_TdzxJkUpUd0/S7lyw6cOrtI/AAAAAAAAADo/wCTpO4gINHU/s1600/oeil_mouche.JPG )
Pour communiquer sur ces bases, vu que chacun a deux yeux de mouche, bonjour la multiplicité des facettes d’un individu, des perceptions, des interprétations de tout individu en face. Moi comprise, hein: je suis colérique, je lutte avec ça.
On n’est pas rendus, les gars. Moi j’ai le vertige, et j’essaie de me soigner, au propre comme au figuré.
Dur de trouver sa place, hein... en particulier quand des tas de substances (alcool, bouffe, médocs, drogues douces ou dures) ou de comportements d'évitement (sport, clope, travail) nous tendent les bras pour nous éviter de trop y réfléchir - ceci est un clin d'oeil de mouche, en particulier aux baclonautes...
Salut, les Mouches.