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28 mai 2013 2 28 /05 /mai /2013 10:45

 

 

D’autres ont déjà fait l’éloge de la paresse, je ne vais pas m’y risquer plus.

Mais rien faire, est-ce vraiment de la paresse ?

 

Ma maison est encombrée, une armoire que je voulais trier et élaguer depuis un an et à laquelle je me suis attaquée voilà un mois reste en une sorte de dégueulis dans mon hall.

Le chat y trouve son bonheur, en élisant domicile tour-à-tour dans une valise à moitié vidée après mon retour de vacances (il y a bientôt deux mois), ou une jaquette douillette.

Je monte des remparts pour ma sécurité mentale, je me dis que j’ai des choses à faire, encore ; faut croire que ça m’angoisserait en ce moment d’évoluer dans plus d’espace.

Service minimum : évacuer les plateaux-repas pris devant la TV, virer les poubelles et le papier qui s’accumule (des emballages, beaucoup, et encore plus de journaux, ma feuille de chou quotidienne y contribue très largement).

 

Le jour où j’inviterai du monde, je m’y mettrai. Mais en ce moment, pas envie d’inviter qui que ce soit, je me sens assez envahie par d’autres choses et d’autres personnes. Paradoxalement, en ne sortant guère en soirée ni le week-end.

 

Il y a des périodes comme ça, d’isolement volontaire, après avoir reconnu et cerné la solitude que j’affectionne. Un retrait, une sorte de silence cloîtré volontaire où les pensées peuvent s’agiter à leur guise.

 

Je m‘agite donc mentalement. Ça me donne l’occasion de laisser remonter quelques colères bienvenues, sans emmerder personne. Une sorte de sas de boxe mentale où je ramène ce qui me fâche, où je décortique les choses ; pour trouver en-dessous la source de l’énergie, qu’à force de contenir je mets comme de la barbe-à-papa autour d’épisodes grinçants.

 

En fait d’épisodes grinçants, je retrouve mes vieux démons : la langue de bois, par exemple, celle en vigueur dans le milieu socio-éducatif où je baigne. Je dois y confronter la liberté de ma parole retrouvée en thérapie, où l’on peut dire les choses crûment sans crainte.

Par contre, pour exercer ce souffle nouveau, je dois choisir mes interlocuteurs : la franchise, le brut de décoffrage, ça ne marche pas partout. A utiliser avec modération quand on ne veut pas se mettre une équipe à dos, surtout les personnes qui tortillent du cul mentalement, et prennent trois plombes et une tonne de circonlocutions prudentes pour parler de l’épine dans le pied.

Passer pour un trublion, ça va un moment !

 

Je me suis moins gênée autrefois,  ce qui veut dire jusqu’à ce que je dégote un taf où tout n’est pas rose, loin de là. Mais un taf où je peux équilibrer nuisances et liberté relative d’agenda, en plus de pouvoir exercer des compétences reconnues et quelques niveaux d’expertise. J’espère tenir là plus longtemps que les deux-trois ans habituels… ma soupape de sécurité, c’était de changer de job. Progressivement, j’ai rayé de la carte : travail de nuit, travail de week-end, voisinage immédiat d’équipe, soins peu ragoûtants.

 

Je tiens à garder cet état des lieux le plus longtemps possible, il me reste, quoi, onze ans jusqu’à la retraite. Ce n’est pas une histoire de me tasser aux limites du supportable, mais de tenir la marmite à feu doux, avec les arômes agréables qui s’en dégagent. Et en attendant de pouvoir me consacrer à un projet personnel, associatif, en voie de bâtissement, qui sent carrément divinement bon.

 

Faire ce que je veux, idéalement, oui ! – à un moment donné, j’ai pu me dire que gagner le gros lot me permettrait d’envoyer baigner toute contrainte… mais le spectacle navrant d’un richissime paumé de la vie m’a donné à me féliciter de devoir encore composer avec les sensibilités de mes semblables : sans les petites victoires de l’accommodation, je craindrais de devenir revêche, une Carmen Crû sans foi ni loi, Raymond et Huguette de « Scènes de ménage » tout-en-un. Et de perdre de précieux acquis comme la recherche permanente de « comment transformer les erreurs et les échecs en outils de progression ».

 

Ce que précisément je m’attache à faire de plus en plus avec les personnes que je forme, malmenées par la vie, cherchant également comment s’intégrer, comment survivre parfois. Hier, j’ai effectué un remplacement auprès d’une volée. Des gens qui riaient, échangeaient beaucoup, capables de s’interroger sur leurs valeurs et la place congrue qu’elles peuvent occuper dans un boulot où il faut, justement, ne pas confondre ses valeurs avec la vérité universelle, quitte à les mettre carrément au vestiaire le temps de faire ce qu’il y a à faire.

 

Bref, je ne me crois pas exempte de faire des erreurs – d’ailleurs si je l’oublie, je me le fais vite rappeler par plein de gens en rancune avec le pouvoir (supposé ou réel) dont je dispose, le système scolaire et d’apprentissage qui les a laminés, arrivant à leur faire croire qu’ils sont des sous-merdes en allant taper droit dans une estime d’eux-mêmes parfois bâtie dans le dénigrement d’autrui ; et produisant parfois paradoxalement des egos surdimensionnés, faisant très mauvais ménage avec une perception de ses capacités frôlant le plancher.

 

 

Il y a eu des deuils à faire : non, tout le monde ne peut pas s’entendre avec tout le monde. Tout au plus, on peut s’accommoder de devoir côtoyer par obligation des gens qu’on fuirait dans le privé.

Et même au privé, faire le deuil de gens qui furent des amis alors qu’on était encore des cires molles se cherchant ; dont on se rend compte que les liens qui existèrent étaient bâtis sur une utilisation mutuelle, lorsque la sécurité intérieure flottait, lorsque la quête d’amour et d’estime de la part des autres passait avant tout.

En somme, apprendre ses limites et les respecter ; laisser mourir ce qui est sec. J’en parlais hier encore avec une collègue d’un service voisin, qui évoquait son dilemme de casser franchement avec une vieille amie en réglant les comptes, ou ficher la paix à une relation moribonde pour la laisser prendre congé paisiblement.

 

Je me souviens d’avoir eu, à la trentaine, des liens très forts avec une famille remplaçant celle que je n’avais pas eue. Travaillant avec le couple, marraine de leur fille dès ses 14 ans, une histoire d’amour passagère avec le fils.

L’histoire d’amour a été la première à s’effilocher ; puis la mère a fait des crises de schizophrénie de plus en plus rapprochées. Ma filleule s’est vexée, vers ses 25 ans, que je ne sois pas à sa disposition à la minute. Le couple est divorcé à cette heure, et la mère devenait un poids qui se transposait vers moi. J’ai cessé de répondre à ses coups de fil, à ses invitations à dîner, où quelque part je sentais la fausseté de me faire offrir un excellent repas tout en meublant à grand-peine la conversation qui s’était appauvrie à la mesure des effets secondaires de sa camisole chimique. Je me souviens de n‘avoir pas répondu à la sonnette de la porte d’entrée lors de ses visites impromptues, et de l’avoir regardée s’éloigner en ayant le sentiment d’avoir échappé à un pénible moment. Et à un moment imprécis, elle a cessé de tenter de me contacter.

Lâcheté ? Même pas. Lui donner l’occasion de se retirer dignement, plutôt. Quel intérêt de lui dire en face que je ne voulais plus la voir, n’y prenant aucun plaisir et me sentant même au bord d’éclater, quel intérêt vraiment.

A bien y regarder, j’ai utilisé cette famille, qui m’a utilisée aussi. Son éclatement a sonné le glas : je voulais une famille que j‘aurais choisie, elle n’existait plus, dispersée dans des lieux éloignés de 200 kilomètres au plus proche, et outre-Atlantique pour le plus éloigné. Et l’image que je leur renvoyais de leur unité à l’époque était certainement flatteuse.

 

Laisser faire, s’absenter. Pour une certaine relation, cela s’est fait au prix de trouver dans ma boîte mail un message haineux, espérant l’affrontement – pour une autre, d’une mise au point inutile devant une pizza, après six mois de silence mutuel, mise au point que j’ai écoutée sans broncher, qui posait des conditions pour se revoir telles que ne plus parler que de la pluie et du beau temps, ou des enfants quittant le nid. Une fois le café bu, on s'est séparées avec une bise et un vague "A la prochaine".

Rien de plus.

A quoi bon ?

 

Alors, oui, je laisse le boxon se sédimenter chez moi, et le jour où j’aurai reconstruit mon agenda en privilégiant la qualité au lieu de la quantité, je mettrai de l’ordre, je  pense. C'est en bonne voie.

Il y a foule d’objets à donner ; à jeter, même. A abandonner sur le trottoir au profit de ceux que cela attirerait. Il y a des cadeaux qui m’encombrent, mettons qu’ils me lestent encore dans une certaine réalité, mettons que si je faisais le gros ménage, je me dépêcherais d’y remettre d’autres sacs de sable.

 

La légèreté, c’est bien. Mais on risque de s’envoler, et j’ai besoin de sentir le sol sous mes pieds.

 

 

 

 

 

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21 avril 2013 7 21 /04 /avril /2013 18:42

       

 

      On parlait sur un certain forum de la place de la volonté dans la recherche de l’abstinence (entendez par là la non-prise de n’importe quelle substance à laquelle un dépendant se turlute le cerveau). Débat chaud et qui se dilua vite, je pense, principalement parce que la morale revenait s’en mêler, alors qu’un autre point chaud avec lequel le dépendant se bat est la culpabilité.

 

Morale et culpabilité me semblant si bien intégrées inconsciemment, que le propos s’enlisa, poil aux bras.

 

Je me réfugie donc ici pour reprendre les choses tranquillement, poil aux dents.

 

Tout était parti d’un article sur Wikipedia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Volont%C3%A9_(philosophie)

 

 

     J’aime bien Wikipedia, y’a de bonnes bases quand même, et en regardant la webographie des articles, on voit déjà si c’est trop orienté, ou assez neutre. Mais là, gloups, avec l’éclairage de ce avec quoi le dépendant se bat au quotidien, j’ai senti mon poil se hérisser.

 

 

C’est vachement moral, comme discours…

 

 

    Je lis l‘article, et le trouve plein de pièges et de syllogismes dès le premier paragraphe.

 

La volonté désigne le plus souvent, la faculté d'exercer un libre choix gouverné par la raison, autrement dit la faculté qu'a la raison de déterminer une action d'après des « normes » ou des principes (par exemple, moraux). En cela, elle s'oppose à la spontanéité du désir, ou aux « instincts naturels », dont la réalisation ne fait appel à aucune délibération. La volonté est ainsi l'expression de la liberté de l'arbitre chez un sujet, ou la manifestation de sa capacité de choisir par lui-même, sans contrainte extérieure.

 

 

 

Mon cul! Gare les bicyclettes!

 

Dans le contexte qui nous occupe, si la raison raisonnée devait suffire à ne pas avoir de comportement dommageable à la santé, personne ne serait dépendant. Or, on le sait, ça ne suffit pas. Et si l’on cède à une pulsion, c’est à cause d’une raison bien précise, d'un événement déclencheur. Et l’existence de normes, de principes moraux, en tiraillant la personne dépendante, est en soi un déclencheur de fond du comportement de survie psychique qui consiste à étouffer l’angoisse avec la substance de son « choix ».

 

Céder à une pulsion, pour quelqu’un qui s’est construit avec l’alcool ou la nourriture comme anxiolytiques puissants, c’est spontané, instinctif, naturel, puisqu’aucune délibération n’a lieu avant le raptus, soit. Et le truc du libre-arbitre me dérange également aux entournures ; si on parle de la capacité à faire des choix, alors un alcoolique ou un outremangeur fait le choix, constamment, de survivre psychiquement en se pétant la tronche ou l'estomac. Si si.

 

Mais si toutes ces notions, « raison », « libre-arbitre », « capacité de choisir » sont prises hors-contexte et dans une zone absolue désignant ce qui se fait et ce qui ne se fait dans une société donnée, alors en effet on se trouve dans une piscine de moralité, qui émane des moeurs en vigueur. 

 

J’aime mieux l’éthique, c’est très différent de la morale, c’est un autre outil plein de richesses et d’humanité, qui ne tranche ni ne juge, ne donne aucune réponse définitive et tient l’esprit en alerte.

 

 

 

Plus loin dans l'article, dans les « Généralités », je continue à m’interroger…

 

Philosophiquement et psychologiquement, «la volonté ne semble donc pouvoir exister que chez un être capable de se fixer à et par lui-même le principe de son action d'après une délibération réfléchie».

 

Amalgame douteux ! Pour beaucoup de domaines et d’actions de la vie quotidienne, n’importe quel pulsionnel dépendant est capable de volonté ; mais parce qu’il n’est pas en mesure de contrôler sa consommation, tous ses autres actes en deviennent nuls ? C’est le reste de ces généralités dans l’article qui donne une clé de compréhension dans ce sens : « Au sens « moral », « faire preuve de volonté », ou « avoir de la volonté », implique de la ténacité, c'est-à-dire de la détermination (ou résolution) et de la persistance (ou constance), dans une « succession » d'actions poursuivant un même objectif. Il s'agit donc d'une certaine « force du caractère », autrement dit aussi d'une vertu morale. »

 

Tiens tiens, qui revoilà?

 

Si la volonté est généralement perçue comme le moteur principal de l’être humain, je veux dire par là ce qui lui donne de la valeur aux yeux des autres, le dépendant est en effet très mal barré, même guéri, ou en rémission, comme on voudra ! Moi ce qui m’interpelle, c’est ce mode de pensée philosophique hérité des Antiques, un décorticage qui cherche à catégoriser pour y voir clair, mais teinté de morale de l’époque. Et puis à l’époque médiévale, le clivage entre Bien et Mal, qui laissait peu de place pour la réflexion distanciée. Et même Freud, qui a formaté la psychologie comme une espèce de truc qui conduit à la maîtrise de l’existence… ça nous fait du boulot pour sortir du rôle de mauvais objet…

 

 

     Le passage sur le libre-arbitre continue de me laisser sur le popotin: "Pour agir librement, il faudrait alors que l'homme soit capable de déterminer de manière autonome ses actions, non pas en obéissant à ses désirs égoïstes (inclinations naturelles), mais d'après la représentation d'une loi ou d'un principe (établis par sa seule raison)." Ben tiens, j'aurais dit juste le contraire: il n'y a pas de libre-arbitre exercé s'il est subordonné à une loi ou un principe raisonné alors que la personne est imprégnée de la morale ambiante.

 

Au contraire, si les inclinations naturelles souvent bridées par la morale (pour preuve ce terme qui les qualifie d' "égoïstes") sont mises en compétition avec cette même morale, elles conduisent l'individu à adopter des comportements et des masques en porte-à-faux pour ne pas entrer en conflit avec la morale et l'entourage. Ca se paie forcément au final...

 

     Je continue avec les dilemmes moraux, qui font référence aux dilemmes cornéliens, comme modèles. Donc à des personnages tiraillés entre des valeurs concurrentes et qu'ils considèrent comme égales. Mais des valeurs de l'époque de Corneille, et qui paraissent désuètes à notre époque, les mœurs et la morale ayant bougé…. Et avec la fascination de cette époque pour l’Antiquité… Un dilemme moral est donc bien le reflet d'une époque donnée et de ses mœurs. La faiblesse de la volonté est évoquée comme un problème moral qui touche à son fonctionnement, c’est celui de sa possible faiblesse (voire de son entière impuissance). Bien sûr que si on pose l’a priori que la volonté s'oppose, en principe, aux pulsions naturelles et aux désirs spontanés auxquels elle nous permet de résister... et qu’en pratique, il est fréquent qu'elle n'ait pas la force suffisante pour y parvenir... et bien ceci explique cela.

 

Mais c’est le postulat de départ, posé par la philosophie antique grecque, qui mène à ces considérations ; et pose encore une fois le problème comme une sorte de raisonnements et de déductions absolues selon des valeurs morales de cette époque et cette société. Il est question de faiblesse de la volonté lorsque nous agissons à l'encontre de ce que nous considérons pourtant comme le meilleur choix. Or nos choix ne sont pas exempts de tout ce qui les imprègne, nos choix sont formatés par l’environnement. Du coup, il ne saurait y avoir de ligne droite et imparable, surtout pas si le postulat suivant se pose en vérité vraie ; c’est-à-dire comme la question des rapports entre la volonté et le désir, ou encore aussi entre la raison et les émotions. Et puis, parfois il n'est possibel que de faire le choix le moins pire.

 

Encore un clivage qui ne laisse aucune marge de manœuvre à l’esprit. Le droit et la loi qui nous régissent portent aussi en eux les fondements moraux de l’Antiquité, puisqu’ils ont évolué à partir d’eux, même si les mœurs et la morale ont changé à bien des égards. On peut renier ses pères, mais pas sa filiation…

 

Si on parcourt les diverses philosophies, on voit qu’elles se développent vers des axes différents de la philosophie occidentale qui s’érige en mode de vie (voyez l‘article de Wikipedia et son bâti !). Leur point de convergence reste, semble-t-il, la proximité de la religion avec la philosophie. Un Dieu, pas de dieu, beaucoup de dieux…

 

       La philosophie change de visage assez radicalement une fois qu’elle se sépare vraiment de la religion, des croyances, soit de ce qui a été assimilé comme la Vérité dans un premier temps. Sous nos latitudes, par exemple, le catholicisme pose des rapports terrestres avec Dieu qui transitent par un Père à qui l’on se confesse, qui absout au prix du repentir et de quelques prières. Le protestantisme, ensuite, se passe de la confession, le pasteur est un guide, le croyant s’affranchit donc de la tutelle paternelle du catholicisme. Plus loin, on commence à invoquer la réintégration du souffle divin dans l’individu, qui devient son seul juge et doit se colleter lui-même, comme un grand garçon, avec ses tiraillements internes entre la morale et son désir de liberté. Responsable et autonome, en somme.

 

Du coup, j’aime bien constater la lutte qui habite le débat, en passant de l’époque médiévale qui fixe les archétypes du Bien et du Mal, à l'époque moderne ne laissant que peu de marge à ses philosophes malgré tout - bon, peut-être qu'ils pensaient encore plus large que ce qu'ils s'autorisaient à écrire, pour une question, tiens donc, de morale et de moeurs - vu que de nos jours encore, on peut finir en prison pour délit d'opinion, et même... de sale gueule.

 

      Parmi les philosophes qui me marquent bien, là, je vois d’abord Descartes et sa morale provisoire, sa démarche faisant la part belle au doute : la volonté nous permet d'affirmer ou de nier tout ce que nous voulons, le vrai comme le faux ; mais ce que notre compréhension nous fait concevoir n'est pas toujours clair et assuré, et donc notre faculté de connaître est non seulement limitée, mais aussi victime de certaines illusions. Au terme de sa réflexion, il considère que la liberté d'un choix vient surtout de la conjugaison de la volonté avec la connaissance.

 

On est déjà dans une démarche où rien n’est sûr, mais où se dessine un choix qui va plus vers l’éthique individuelle que la morale de groupe. Bon, je trouve qu’il est encore dans une démarche de couper ses élans de réforme et de changement, puisqu’il prône de se restreindre plutôt que de se libérer – c’est du moins comme ça que je le comprends.

 

Avec Rousseau, on passe à une perception de la volonté qui confronte les volontés générale, des particuliers, et de la majorité, et cherche l’équilibre vers le bien commun.

 

Chez Kant, on baigne toujours dans la morale comme facteur essentiel sur lequel repose la recherche du bonheur. Il dit que rien n’est absolument « bon » en soi, dans le monde, hormis la « bonne volonté » ; et tout en se soumettant à une loi morale qui pose le clivage, toujours, entre la sensibilité (les penchants égoïstes) et l’obéissance à une loi morale à laquelle on adhérerait par respect ; il commence pourtant à parler de déontologie, et d’intentionnalité derrière les actes… mais sous couvert d’universalité. Je subodore qu’il s’agit encore ici de poser un système de référence élaboré par des penseurs, en quelque sorte habilités à poser les résultats d’une réflexion déontologique pour tous (la déontologie universalisable), mais pas encore de prôner la réflexion individuelle et autonome de tout un chacun. Pour Kant, mal agir c’est vouloir pour soi un état d’exception. (Ben, heuh, je trouverais logique que chacun le veuille pour soi, car au-delà de ce qu’il faut de guide-ânes de conduite pour vivre à peu près en paix avec ses voisins, ses collègues et sa famille… nous sommes tous des êtres d’exception…)

 

 

Et nous voilà à Schopenhauer, et la fin de l’article (Nietzche est mentionné, mais pas plus…).

 

Et là, ça commence à me plaire, le concept de « volonté de vivre » (Wille zum Leben) comme un principe universel définissant la lutte fondamentale de chaque espèce pour réaliser le type qui lui est propre ; passant par un conflit constant avec les autres espèces pour préserver une forme de vie définie.

 

Elle se confond avec la volonté tout court… qui s’oppose à l’intellect. La Volonté est l'essence intime du monde, une force, une puissance aveugle et absurde, un principe dépourvu de savoir et de connaissance. Elle s'impose d'abord à nous avec une puissance telle qu'on ne saurait décider arbitrairement de lutter contre elle, et c'est justement sous son impulsion presque irrésistible que nous en déduisons généralement ensuite - mais néanmoins par illusion - que la vie a de la valeur.

 

"Selon Schopenhauer, seuls le sentiment esthétique, l'ascétisme religieux et la compassion pour toute la douleur du Monde, permettent de l'atténuer très partiellement, et d'échapper ainsi à la souffrance ou à la haine qu'elle ne peut manquer de susciter chez qui dispose d'un minimum de lucidité intellectuelle."

 

On est loin de la morale moralisante… vous sentez comme ça pulse profond, tout d’un coup, combien elle est vaste, cette source d’énergie où puiser de quoi aller vers une vie meilleure, avec moins d’entraves, moins de culpabilité, et le credo que quelle que soit la mésaventure ou même l’horreur et la douleur qu’on traverse, l’espoir nous pousse au cul ?

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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 11:07

 

 

     Sur le forum des gens qui changent leurs vies avec du baclofène, une discussion s’est engagée sur les déchirements des gosses lors d’une séparation, leurs loyautés qui les conduit parfois au mutisme, et, partant, sur le pouvoir de résilience, le leur, celui de tout un chacun devant les couilles de l’existence.

 On en est venus à causer des rôles parentaux, celui de la mère nourricière qui pose un cadre sécurisant et celui du père aventurier qui montre comment en sortir – grosso-modo, hein… très grosso-modo.

    

     Les archétypes, ça m’interpelle, ça me dérange. Au final, ce qui reste de la vraie différence entre les genres féminin et masculin, c’est que le féminin porte le fœtus le temps de la grossesse, imprégnant le riquiqui de bruits, de sensations, d’odeurs bien particulières.

Puis pourvoit en première nourriture… et c’est tout, du point de vue de la différence.

Une minute de réflexion, à présent, sur l’allaitement maternel qui n’est qu’une partie des possibilités d’alimenter un nourrisson : la sage-femme que je suis s’interroge sur ses propres tiraillements concernant un concept galvaudé, et qui l‘a obligée longtemps, en tant qu’employée et partie d’une équipe, à glorifier pour ainsi dire quelque chose que je ne trouve pas net en termes d’éthique.

Madame produit le lait, certes, mais les réfrigérateurs existent désormais, permettant de tirer de quoi donner au père un rôle bienvenu de biberonneur chaleureux dans la même mesure que la productrice de lait…

 

     On pourrait commencer par là dans la (re)distribution des rôles parentaux.

Pour ensuite s’interroger sur cette histoire de carré maternel dont le père viendrait tirer le môme ensuite.

Une des raisons pour lesquelles je n’ai pas fait d’enfant tient dans le malaise qui m’habite devant ce qui me paraît une croyance, ni plus ni moins : que les genres ne donnent pas la même nourriture de vie à l’enfant. Et que ce serait pour ma pomme d'être ou célébrée dans mon adhésion, ou honnie dans mes manquements. Comme tous les autres.

Encore plus grosso-modo que le grosso-modo précédent dans ce texte, le féminin pourvoirait aux ancrages physique et psychique premiers, et le masculin viendrait rétablir un équilibre psychique en ouvrant le gosse à la socialisation ensuite.

 

     Ben je suis pas d’accord, na ; pour ceux de nos générations si conscientes que quelque chose cloche dans cet archétype, vu qu’on est en voie ici et là dans le monde d’entériner absolument que deux femmes ou deux hommes peuvent être des parents à part entière, ces valeurs vacillent sur leurs bases, et comment !

 Mais ça fait trembler toute une organisation sociale sur ses fondations, si on pousse le raisonnement de l’interchangeabilité des rôles féminin et masculin, passées les strictes nécessités de la nature.

Car il faut se cramponner ensuite pour obtenir la répartition du congé parental, trouver comment accommoder deux trajectoires professionnelles d’un mi-temps familial et d’un autre mi-temps de travail…

 

     Une autre société, rien moins. On n’y est pas vraiment, même s’il en existe des exemples bienvenus dans le nord de l’Europe.

Je rêverais, moi, si c’était à faire ou à refaire – et si j’en avais d’abord l’envie, moi, de me reproduire - d’un modèle super-élastique qui ferait la part belle aux individus avant d’imposer de facto un rôle de mère ou de père.

Pourquoi pas donner en même temps la sécurité et l’aventure, que ce soit par mère ou père… Pourquoi pas réfléchir à doser le tout dès le départ, pourquoi pas se poser la question d’aimer à la fois nounouter et prendre son gosse par la main pour lui montrer des barreaux d’échelle…

 

     Mes copines et connaissances qui, jeunes mères, ont gentiment plongé ou préparé le lit d’une dépression ou seulement d’une frustration d’être hors-circuit social me donneront raison en partie, j’espère. Je mets délibérément de côté le déséquilibre hormonal qui doit se compenser après un accouchement, là n’est pas la question – elle existe bel et bien, mais elle ne tombe pas du ciel non plus, la fatalité a bon dos sur ce coup-là… De ce que je sais, en pareil cas, les propositions de prise en charge en renforçant le lien mère-enfant, qui souffre inévitablement d’une dépression post-partum, sont plus à la mode que le fait de s’interroger sur le supposé instinct maternel qui plane en quasi-déité sur nous. Opium de qui ?

Haro sur les croyances, et sans opposer à cet instinct, que je répute suspect, un autre instinct dit paternel, je souhaite lancer la question de l’instinct parental ; celui qui, tout en pourvoyant à la sécurité, n’oublie pas de lancer les enfants sur la piste de l’autonomie, ce truc qui va fatalement survenir tôt ou tard, et d’autant plus cruellement pour ceux qui ne s’y préparent pas.

 

Etre parent, quelque part, c’est s’entraîner à ne plus l’être, à terme, que dans des papiers administratifs ; ou en fonction de la relation de confiance qu’un individu, homme ou femme, aura contribué à mettre en place avec les minots, et avec les moyens du bord - souvent teintés des moyens et des limites hérités de la famille des deux parents.

 

Le putain de bagage qu’on se prépare, avec tout ça. Y’a de quoi faire. C’est pas les enfants qui nous font grandir, c’est nos relations avec eux, et ce qu’on en nettoie de nos héritages de fonctionnement. Un couple peut se choisir, et choisir de ne plus se choisir ; mais au-delà, ceux qu’on n’a pas choisis, qu’ils soient nos enfants ou nos parents, nous marquent presqu’au fer rouge parfois.

 

Au cul avec l’instinct maternel, hop, carrément. Et avec les achétypes de relations qu'on nouerait avec ses mômes, du coup.

 

 

 

 

 

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9 février 2013 6 09 /02 /février /2013 10:37

     Voilà, je me suis désinscrite hier soir d’un forum de baclonautes, soulagement.

Quelqu’un se plaignait d’effets secondaires de son traitement au baclofène (vous savez, non-baclonautes, ce médicament qui est capable de diminuer voire d’éradiquer complètement la dépendance à la plupart des substances…), et je voyais bien la relation, tout comme la fille qui s’en plaignait, entre une charge énorme en trois heures en fin d’après-midi et des insomnies invalidantes.

Jamais je ne me serais mêlée de proposer ailleurs que sur ce fil dédié aux effets secondaires une répartition différente, qui régularise les prises dès le lever pour faire remplir son office à un médoc qui doit le plus possible imprégner le cerveau en continu.

Et puis, 35 ans d’habitude professionnelle en matière d’administration de médicaments me semblaient une caution acceptable pour risquer autre chose… Exemples : un antibiotique ne se prend pas de la même manière qu’un anti-douleur, le premier doit tuer régulièrement les nouvelles générations de bactéries, jusqu’à la dernière, c’est pourquoi il se prend le plus possible avec des écarts très réguliers jusqu’en fin de traitement, et sur un nombre de jours déterminés qui ne saurait ni être réduit, ni augmenté. Le deuxième, l’anti-douleur, se prend à la demande la plupart du temps, sauf en cas de douleurs chroniques, où un schéma de prises fixes s’augmente de doses de secours ici et là.

     Le baclofène est une sorte d’hybride, en ce sens qu’il est pris pour lutter contre un état chronique avec poussées de pulsion en général vers la fin de journée… mais doit se doser en montant progressivement la charge. Et comme pour la plupart des psychotropes, le traitement s’ajuste en fonction d’un équilibre à trouver entre l’efficacité et les effets secondaires, alors que des antibios, effets secondaires ou pas, ça se prend selon un protocole fixe pour tout individu, à un dosage invariant sur 24 heures. Et puis ça change de personne en personne, et chez une même personne, à chaque montée de dosage.

 

     Bref, je me vois reprocher d’interférer, voire de redonner à la fille en question une certaine autonomie en matière de choix. Psycho-rigidité malvenue, je réponds : on ne cesse de faire appel à la motivation pour entamer et suivre le traitement, la prise d’autonomie étant un facteur essentiel d’un tel changement de vie, au-delà du traitement-même. Briser avec une habitude lorsque la pulsion a disparu, c’est briser aussi avec la construction psychique qui mène à chercher une béquille pour supporter la vie.

 

Alors je déplore ce qui me semble être un simple encouragement au déplacement de la dépendance à une substance, à une dépendance à l’autorité.

 

     Je vois beaucoup ça dans les soins, dans les prises en charge, bien que la charte du soignant comprenne largement de nos jours un objectif clair : amener le client à l’autonomie, c’est-à-dire la capacité à prendre ses décisions soi-même, lorsqu’on est dûment informé. Encore faut-il qu’on souhaite, comme patient, être responsable ; un chemin qui n’appartient qu’à soi, clairement, mais si les soignants ou ceux qui s’improvisent comme tels remplacent une dépendance à une substance par une dépendance à leur pouvoir, c’est moche. Maintenir une personne dans un schéma de prise qui provoque des effets secondaires, pour moi, ça devient un tort moral. On parle plus alors en termes de cure qui vise un certain résultat, le sevrage, qu’en intégrant tous les changements à venir, et là ce n’est plus seulement la cure qui est l’objectif, mais tous les changements qui vont suivre.

Comme, par exemple, trier ses relations. Affronter des événements passés qui ne peuvent être gommés, mais restent fondateurs en termes d’expériences sur lesquelles on rebondit pour les métaboliser et cesser au maximum d’en souffrir. Ce qui est arrivé est arrivé, point. Mais comment envisager ces choses comme des outils pour s’améliorer, et amoindrir ainsi leurs retombées en préparant la personne à ne pas en subir d’autres du même tonneau, ça c’est encore plus fort.

Et là, c’est l’éthique des aidants qui entre en jeu. C’est super d’arriver à chasser l’obsession de l’alcool ou d’autre chose de sa vie, mais ce n’est pas tout. Sinon, c’est prendre le symptôme pour la cause, et bien des échecs de traitement se fondent sur la difficulté à changer « le reste », tout ce qui n’est pas la prise de substances.

 

     Je coup-de-gueulise ici, parce que, merde et re-merde. Ouais je sais, c’est mon credo, l’autonomie, j’ai eu laaaaargement l’occasion de m’apercevoir que soigner n’est pas se charger des problèmes des autres, mais les aider à trouver comment les résoudre eux-mêmes. Sinon, c’est de l’entretien de la dépendance, c’est utiliser la dépendance à son profit pour soigner son propre besoin que les autres aient besoin de nous. Un gros os à affronter pour le soignant-à-bouclette-sur-le-front-et-à-cape rouge.

Et ce n’est pas nécessaire d’être soignant pour travailler le problème… c’est à la portée de n’importe qui de ficeler quelqu’un de plus faible dans un réseau comptable malsain de devoirs – oh, que tu es méchant, moi qui ai tant fait pour toi… Méchant de ne pas être reconnaissant (où est la gratuité de l’aide ?), méchant de ne pas appliquer les solutions que je te donne (ouais mais ce ne sont que les miennes…), méchant de ne pas confondre l’amour avec le devoir supposé de gratifier quiconque veut t’aider (si c’est des pommes que je veux, et que tu ne cesses de me proposer des poires parce que c’est ce que toi tu aimes, c’est on ne peut plus normal que je n’en veuille pas, de tes poires et je ne t'en aime pas moins pour autant).

 

Pas facile d’aider, car pour bien aider, il est nécessaire de se retirer. Je veux dire, pas d’abandonner, mais d’écouter plus que de conseiller. Et aussi, de renvoyer la personne avec fermeté à la résolution de ses problèmes par elle-même; bref, de l'encourager à se détacher de nous, ce qui suppose un certain travail sur soi-même. Tout le monde a à se soigner lui-même, du coup. 

 

 

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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 10:26

La vie est courte.

 

 

     Je traduis les choses ainsi pour ma pomme: ne pas s'embarrasser de relations qui sentent le roussi, ou commencent à gêner aux entournures et ne bougent pas, sans qu'il y ait quelque chose de bon à en tirer.

 

Je pense au domaine professionnel. Bien sûr qu'il faut payer ses factures; bien sûr que j'ai la chance d'avoir un bagage d'experte dans mon premier champ de compétences, et que la demande de soignants est telle que j'ai toujours pu aller de place en place tous les deux-trois ans.

 

Le privilège d'être demandé, c'est que l'on ne vient pas vous faire chier avec un pseudo-diagnostic d'instabilité; même quand c'était vaguement évoqué, j'ai toujours pu invoquer ma soif d'apprendre et de devenir une généraliste en soins confirmée et polyvalente. Faut tenir sa réplique prête, et je suis bien rodée, là. Mais personne n'ose trop mettre en avant ce genre de choses, je tiens le couteau par le manche, depuis que j'ai réalisé que j'avais le pouvoir de démissionner quasi du jour au lendemain.

 

     Le fait que je reste où je suis pour le moment, malgré un laps de temps assez long en général pour me donner l'envie d'aller ailleurs, tient au fait non pas que j'aie trouvé une équipe qui se répute souvent elle-même formidable (je trouve que son manque de modestie est flagrant... et ça devrait me faire fuir), mais au fait que les avantages sont nombreux (une certaine liberté d'organiser mes jours de travail, peu de surveillance sinon sur des points que je trouve essentiels et que j'ai moi-même réclamés lors d'un audit), et que notre nouvelle responsable offre un réel soutien, compétent et attentif.

 

Mais le point essentiel, c'est que je n'ai pas fait le tour, et de loin, des tenants et aboutissants d'une formation continue que m'offre le terrain lui-même, même si je trouve que l'esbrouffe en matière de formation d'adultes est patente.

 

     Un petit problème de sentiment d'usurpation, l'agrume? Ben oui, compte tenu du fait que j'ai utilisé une brèche évidente pour intégrer le système. J'essssplique: pour entrer dans le circuit, les verrouillages semblent solides. Car pour entrer en formation de base, il faut pouvoir prouver qu'on donne déjà des cours. Mais pour donner des cours, il faut avoir... la formation de base!

 

J'ai biaisé, manipulé, ça a été facile, et je pensais devoir louvoyer tout au long des 6 mois de cours pour dissimuler mon ignorance... que dalle! Car quand j'ai intégré le cours, je me suis aperçue que le nerf de la guerre (faire payer cher ces formations) pesait fort dans la balance, vu les profils des gens que j'ai côtoyé ensuite; certes, il y avait des formateurs de longue date, des solides qui connaissaient bien leur affaire, mais aussi des personnes acceptées selon des critères bien moins sévères que ce que j'avais cru devoir affronter, et surtout par jeu de piston, et parce que les boîtes de formation doivent rentabiliser les cours. Quand je vous dis que ça marche à l'esbrouffe... je n'ai eu qu'à déployer avec assurance ma crête de cacatoès pour obtenir mon intronisation.

 

     Mais comme pour tout système marketing, et la formation d'adultes en est un bel exemple, le monde se nourrit de stratégies visant à faire croire qu'un service, un produit, une certification quelconque est indispensable. Ca ressemble à la progression fulgurante d'une certaine marque d'ordinateur qui a réussi à se vendre au grand public comme le nec plus ultra, et a développé des applications qui rendent les gens dépendants. En perte de vitesse ou pour assurer la concurrence, l'une ou l'autre des deux marques a même mis au point une application qui permet de switcher entre les deux programmes quel que soit l'équipement de base... Vous croyez avoir besoin du dernier téléphone-ordinateur sorti sur le marché, vous croyez ça, mais le système profite d'un auto-emballement sur les cadences à augmenter, que ce soit pour le travail ou pour le plaisir.

 

 

Y'a qu'à faire croire que hors-système point de salut, et de fil en aiguille, la crédulité du public fait le reste. Le système universitaire marche aussi avec la loi de l'offre et de la demande, mais signale en même temps sa haute précarité tant la publication de travaux validables par les pairs est incontournable pour rester dans le circuit. Faire croire qu'on est indispensable, tout est là.

 

 

     Il y a quelques années, devant la menace des para-pharmacies, les pharmaciens ont mis en avant la qualité du conseil du pro aux clients, ce que les paras n'offrent pas - ce sont des vendeurs avant tout. Comme tout le monde, je me suis vue tout-à-coup encombrée de longs discours inadéquats à chaque fois que j'allais chercher le moindre contre-douleur. J'ai fini par mettre au point une stratégie de barrage en mettant en avant mon diplôme d'infirmière dès que ça commençait. Avec le temps, ils se sont bien calmés je trouve, pas seulement avec moi, mais de manière générale d'après mes échanges avec pas mal de gens qui vont regarnir leur pharmacie de base régulièrement. Et le contrôle quand on va demander une faveur est très inégal, ici l'on me donne sans barguigner une boîte de dépannage d'un truc qu'on ne peut avoir qu'avec une ordonnance, là on me fait remplir un document en trois exemplaires dégageant la responsabilité de l'officine au cas où je me rendrais malade.

 

 

C'est pas le confort du client qui prime, mais le maintien dans une zone "Ponce-Pilate" extensible, mais sans jamais perdre de vue la rentabilité du truc. 

 

 

     Ben je pense que c'est partout pareil. Donc je ne reconnais aucune autorité en-dehors de la mienne pour intégrer ou quitter un système qui s'auto-évalue en mettant sous le tapis les remarques qu'il semble réclamer pour augmenter la qualité de ses prestations, mais surtout pour faire bien dans le paysage-à-valeurs. Le fait est que tant que je serai dépendante d'un salaire pour vivre, c'est à moi de trouver le juste milieu pour pouvoir bosser sans me miner le plot sur un conflit de rôle que je sens de manière chronique depuis plus de trente ans.

 

Oui, je suis privilégiée par mes compétences qui me mettent à l'abri de trop souffrir de ce conflit interne, heureusement, je serais morte depuis longtemps d'une saloperie de maladie qui semble typique des inconforts existentiels.

 

C'est si bon, de se réaliser moins dépendant qu'on ne croyait! C'est du boulot pour garder la tête froide, mais avec un minimum de recul et d'analyse, il est aisé de se rendre compte que ça marche à la trouille - réelle ou habilement inspirée - d'être largué, ostracisé, mis au ban d'un système qui tient en place et s'auto-consolide en érigeant ses valeurs commes vraies.

 

Vive l'autonomie de jugement, décidément. En plus, l'ordonnance on la signe soi-même, c'est chic.

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2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 09:41

 

 

Vous connaissez des Asperger, dont le petit nom est « aspie » ?

Sûrement, mais vous ne le savez pas; selon les probabilités, vous les côtoyez obligatoirement une fois ou l'autre sans le savoir, peut-être en vous demandant vaguement ce qui cloche dans votre relation. Pour peu que d'autres que vous le sentent aussi, la personne se forge une réputation: elle manque d'humour, elle dit des choses bizarres tout en donnant la preuve de son intelligence. On la fuit un peu, à force. Quelle case lui manque?

 

J’en connais deux. L’un est un gosse de 13 ans, que je vois ici et là depuis sa naissance. Je rassemble quelques souvenirs : c’était un bébé sérieux, qui fronçait les sourcils quand on lui parlait, avec une expression de détresse légère.

Vers ses six ans, on lui a offert une mappemonde, il a appris en un rien de temps les capitales et l’emplacement de chaque pays.

Capable d’écouter en boucle la même chanson de Voulzy des heures, discret, qui quitte la table dès qu’il a fini de manger.

Je m’étais rendue compte de la nécessité de lui expliquer clairement des notions de convivialité à l’occasion d’un week-end à la montagne avec lui et ses parents.

Jusque-là, rien qui appelle un diagnostic clair. A l’école, sa difficulté principale, c’était de suivre les consignes d’exercice dès qu’elles ne reflétaient pas le monde visible. Une orange, c’est orange : lui demander de la colorier en bleu, pour illustrer le poème d’Eluard, ça le révoltait. Une logique imparable, mais qui le mettait en difficulté.

Là, les parents ont commencé à se douter de quelque chose, et ont beaucoup bossé pour lui donner les clés du monde neuro-typique (les gens dits "normaux "), lui qui est neuro-divergent. Il ne fonctionne pas comme la majorité, c’est comme ça. Il faut lui expliquer comment se comporter, il ne l’intègre pas. Et ce même môme que je connaissais renfermé, comme absent, je l’ai vu se transformer en quelques mois, un sourire éclatant mais un peu douloureux sur le visage, un petit soleil avec comme une pointe de crainte.

 

 

La deuxième est une fille avec qui je corresponds sur la toile ici et là depuis quelques années, et qui annonce clairement la couleur pour se faire expliquer les conventions sociales, les gags, les choses réputées évidentes qui constituent le lien social entre les gens.

Wikipedia dit ça : « Le syndrome d'Asperger est un trouble du spectre autistique qui se caractérise par des difficultés significatives dans les interactions sociales, associées à des intérêts restreints et des comportements répétés. Le langage et le développement cognitif sont cependant relativement préservés par rapport aux autres troubles du spectre autistique. Bien qu'elles ne soient pas retenues pour le diagnostic, une maladresse physique et une utilisation atypique du langage sont souvent rapportées. »  http://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_d'Asperger

 

Le syndrome d’Asperger est le trouble le plus léger du spectre autistique, dit-on.

Je trouve leur contact interpellant, car il m’oblige à être très claire, à ne rien prendre pour acquis en matière de conventions sociales. Comme ils n’intègrent pas ce que veulent dire les mimiques faciales, ce qui se dit et ne se dit pas, la vie est pour eux, je dirais, comme un pays perpétuellement étranger où il faut constamment faire attention à ses manières en société. Imaginez que comme gamin, on vous a appris que roter est malpoli. Et puis, on vous emmène en pays maghrébin, où roter est signe de politesse, honorant la cuisine qui est servie.

Brôô, al hamdoulileh. En plus, on invoque le nom d’Allah. Chez moi, si je dis « Nom de Dieu » en plus de roter, on me fera les gros yeux. Déstabilisant, non ?

En voulant vérifier mes connaissances, je tombe sur cette règle qui veut qu’on dise aussi « Al hamdoulileh » quand on éternue, en hommage au souffle du Tout-Puissant qui se manifeste. Ben voilà encore une subtilité que j’ignorais, je l’engrange dans mon dictionnaire, c’est noté. Ah, un autre truc : après le rot il faudrait dire plutôt « Stargfullah », « Que Dieu me pardonne » selon certaines sources, car roter signifierait que l’on a trop mangé, et qu’on le paiera au jour du Jugement dernier en ayant perpétuellement faim. Je dis quoi alors ? Pas de règle fixe, ça dépend à quel courant religieux on appartient. Je suis perdue. Je risque constamment de commettre un impair, alors ? Je me ferais lyncher si les musulmans n’étaient pas si tolérants envers les non-musulmans…

 

Et bien, tous les jours, les Aspies doivent comme feuilleter à toute vitesse dans leur tête le dictionnaire local de la société à laquelle ils appartiennent, rien n’est un réflexe intégré. Une sacrée dépense d’énergie, qui ne porte pas à rigoler tellement l’effort est intense. D’ailleurs, l’humour des neuro-typiques, qui biaise souvent les conventions ou s’en moque, ne leur est pas accessible. J’espère que je ne dis pas trop de conneries, en même temps… hein les Aspies, vous me le direz, si je suis à côté de la plaque ?

 

http://www.atoute.org/n/forum/showthread.php?t=146450

 

A cette adresse, j’ai trouvé un pastiche des neuro-typiques, voyez plutôt, c’est assez tordant au fond, en plus de remettre les pendules à l’heure.

 

 

Le Syndrome Neurotypique

Définition
Le Syndrome Neurotypique est un trouble neurobiologique caractérisé par un souci de préoccupations sociales, des délires de supériorité, et l'obsession de conformité.

Symptômes
Les individus neurotypiques pensent souvent que leur expérience du monde est soit la seule [soit] la seule bonne. Les NTs ont du mal à être seuls. Les NTs sont souvent intolérants à l'apparence des différences mineures chez les autres. Les NTs ont du mal à communiquer directement, et beaucoup ont une incidence plus élevée de mensonges par rapport aux personnes autistes.

Causes
Le [SNT] est censé être d'origine génétique. Les autopsies ont montré que le cerveau du neurotypique est généralement plus petit que celui d'une personne autiste et a surdéveloppé les domaines liés au comportement social.

Tendance
Malheureusement, plus de 9 625 sur 10 000 personnes pourraient être neurotypiques.


Traitements
Il n'existe pas de remède connu pour le Syndrome Neurotypique.


Adaptation

Dans de rares cas les NTs peuvent apprendre à compenser leur handicap et [à] interagir normalement avec des personnes autistes.


Critères diagnostiques du Syndrome Neurotypique


A. Altération qualitative de la communication comme le témoigne au moins un des éléments suivants:

Retard ou absence du langage parlé (surcompensation par d'autres modes de communications comme le geste, la mimique ou l'interprétation)
Chez les individus maitrisant suffisamment le langage: incapacité à ne pas interpréter les conversations avec autrui de manière illogique (en cherchant continuellement des doubles-sens par exemple)
Usage stéréotypé et répétitif du langage. (ex : « Comment ça va ? » «  Ça va bien »)

B. Altération qualitative de l'autonomie affective, comme en témoigne au moins deux des éléments suivants:


Obsession marquée de comportements non-verbaux, vagues, indéfinissables, propres à chaque personne tels que le contact oculaire, la mimique faciale, les postures corporelles et/ou les gestes.
Incapacité à établir des relations avec les pairs possèdent un autre mode de fonctionnement sans faire abstraction d'une interprétation l'amenant directement à une carence affective excessive.
Recherche extrême ou anormale de confort dans les moments de détresse (cherche le réconfort d'une manière stéréotypée, attire l'attention [même] lorsque peu blessé)
Le sujet n'arrive pas à s'estimer suffisamment de manière autonome, ce qui l'amène à partager constamment ses plaisirs, ses intérêts ou ses réussites avec d'autres personnes.
Recherche constamment l'attention car incapable de rester seul.
Présence de réciprocité sociale ou émotionnelle : le sujet n'existe pas sans le regard des autres.

C. Caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements sociaux, des intérêts et des activités socialement acceptables, comme en témoigne au moins deux des éléments suivants :


- Préoccupation circonscrites à quelques centres d'intérêts stéréotypé et restreints permettant de sauver l'image sociale, tant dans son intensité que dans son orientation.
- Adhésion apparemment inflexible à des habitudes ou à des rituels spécifiques d'une incohérence marquée, mais fonctionnels pour la norme.
- Maniérismes moteurs stéréotypés et répétitifs dont l'absence de cohérence avec l'émotion vécue provoquent une distorsion.
- Préoccupation persistante pour certaines parties du corps.

D. La perturbation entraîne un modelage cliniquement significatif du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.

E. Il n'existe pas de retard général du langage mais la récurrence du manque de précision et de clarté de la communication est significative sur le plan clinique.

F. Au cours de l'enfance, il y a eu diminution de l'autonomie de penser et de la curiosité pour son environnement. Il y a cependant eu un apprentissage accéléré du comportement adaptatif.

 

 

Je suis neuro-typique, je suis donc assez dans la merde de ce point de vue… mais j'y suis de toute façon déjà, pour m’attirer des remarques acides de neuro-typiques quand je m’essaie à péter les conventions de langage et de comportements, à décortiquer les croyances et les valeurs qui en découlent ou les précèdent - l'oeuf ou la poule? Un petit sport de l’esprit qui fait rire les plus tolérants : tout ce que j’ai envie de dire ne fait pas rigoler les bien-pensants. 

Les Aspies sont des touristes perpétuels au pays des neuro-typiques, puisqu'ils n'ont pas intégré la langue maternelle sociale neuro-typique.

J’essaie (j’essaie !) de leur expliquer ce qui se passe, les connivences de langage ou de comportement qui les déroutent. C'est cette amie aspie qui m'a expliqué ce qu'elle vivait, et depuis, quand quelqu'un manifeste un décalage quelconque, je me comporte avec lui comme avec un touriste perdu dans les coutumes locales. Je ne peux pas m'offusquer de son incompréhension, ce ne serait pas poli. Anecdote : à un concours d’entrée à une formation qui l’intéressait et pour laquelle elle a un don certain, elle a échoué. Tout était bon, mais elle a récolté une note éliminatoire à la partie « Ethique sociale » ou un truc du même tonneau.

 

 

Dans mon boulot de formatrice d’auxiliaires de santé, j’y repense et je pratique le plus possible cette attitude « explicative », tant le monde des soins est un univers étrange pour quelqu’un qui y débarque. J’ai aussi dû apprendre comment coter les attitudes professionnelles des gens que je croise en examen pratique, il y a des codes formateurs que j’ignorais, des exigences en savoir-être dont je dois me faire l’ambassadrice alors que j’ai été éduquée, quelque part, à trouver coûte que coûte comment faire accepter aux patients une toilette ou un bout de marche. Jusqu’alors, seules les situations extrêmes me faisaient sentir l’inadéquation d’imposer un traitement : un jeune médecin aux urgences s’était mis en colère lorsque je lui avais dit que je ne mettrais pas en route la transfusion prescrite à un témoin de Jéhovah – c’était à lui d’aller parlementer avec le patient. Mais toutes les situations de maltraitance ne sont pas aussi évidentes, pourtant on y est en plein: les moqueries de gosses à l'école à l'égard de celui qui ne comprend pas les choses réputées drôles, ou même habituelles, c'est monnaie courante. Bref, faut tout leur expliquer, aux gens qui apprennent. Y'a pas de questions connes, que des rythmes différents, et des évidences évidentes que pour ceux pour qui c'est évident.

 

Les Aspies m'ont ouvert une voie parallèle : oser reculer les limites des conventions, casser des schémas de communication, oser des franchises libératrices. Je leur en dois, à coup sûr.

Quelques épisodes marquants que je rapproche de ce vécu:

J’ai eu une belle et durable relation avec un anglophone, ça m’obligeait à ne rien prendre pour acquis, à marcher sur des œufs, à surveiller l’exactitude de ce que je voulais dire. Même combat, dans une langue à coup sûr plus simple à acquérir que la mienne. Une sorte de nettoyage mental perpétuel, de remise à zéro des compteurs obligée pour être dans une relation authentique.

J’ai vécu l’exclusion en participant à des rencontres de sourds profonds, moi qui n’ai que le B.A. BA de la langue des signes et qui oublie vite le peu que je sais dès que je perds le contact régulier avec leur monde. Prendre rendez-vous avec Sophie, sourde profonde, signifie que quelques jours avant je dois réviser pour qu’elle n’ait pas à faire tout le boulot de lire sur mes lèvres. Une politesse minimum. Et je dois faire des « taquets d’horreurs », comme dans « 4 mariages et un enterrement », la fille si intéressée par un beau gars sourd qu’elle en prend des cours de langue des signes pour pouvoir l’approcher.

« Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel », la norme n’est pas la normalité, juste un standard pratiqué par une majorité.

 

Les minorités en matière de communication vivent l’exclusion, c’est interpellant de se retrouver en minorité parmi ces minorités. J’ai du pain sur la planche, pour le moment je suis en pleine errance avec quelques rares balises en pleine mer: communiquer avec elles avec mon lourd bagage de neuro-typique et d’entendante me donne du fil à retordre, je deviens l’handicapée de service.

 

J’essaie de capter leurs codes, c’est pas gagné, heureusement qu’ils sont gentils avec moi et m’expliquent leur monde.

 

 

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1 janvier 2013 2 01 /01 /janvier /2013 15:55

Premier de l’an nouveau.

 

Enfin, c’est fait, bon débarras.

 

C’est le jour de la choucroute dépurative, la fête à l’Alka-Seltzer, des millions de SMS échangés pour le bonheur des opérateurs.

Zorro le chat a décidé de jouer au sphinx, les pattes de devant étendues en travers d'un sachet de pommes. le menton appuyé sur un des fruits; genre "touche pas à mon pote". Il est space, le Zorro. Il ne sait toujours pas élargir l'ouverture d'une porte en mettant la patte derrière et en tirant vers lui, il prèfère ramper du cul sous un meuble pour contourner l'obstacle. Brave couillon, va.

J’avais de grands projets de rangement-nettoyage, au final j’ai fait de la sauce de canneberges avec du mezcal à l’orange, de l’eau de rose, du miel, du bouillon, du nuoc-mam, de la cardamome ; à offrir aux copains qui aiment la chasse.

Un couple en particulier, de très bons vivants, perdus de vue suite à leur séparation puis remise ensemble. Il avait pris un studio. Elle avait alors besoin de parler, besoin de sortir, on avait quelques projets; qui sont tombés à l'eau parce qu'ils s'étaient remis en couple, je m'étais sentie utilisée puis congédiée, je le lui avais dit. On avait une convention avec ces potes: quand j'avais envie de les voir je leur posais une petite confiote dans la boîte aux lettres, une invitation arrivait ensuite. On se voyait peu, mais bien ; on ne se voit plus du tout, ils me manquent. Il est temps de renouer avec le rite.

Voilà, j’ai fait une petite promenade sous la pluie en souhaitant la bonne année aux inconnus que je croisais sur la rue ; j’ai posé mon bocal et un petit mot dans la boîte de mes potes à quatre rues d’ici – le sont-ils encore, des potes ?

J'ai une histoire particulière avec des deux-là, des boules d'énergie. Lui a obliqué de sa carrière de graphiste free-lance à celle de photographe, avec un coup de pub' inespéré dès le début: la possibilité de tirer le portrait à Obama dans le bureau ovale, visez donc...

http://www.vincentjendly.com/index.php?page=portraits2_show&id=0

 

Elle, cadre responsable des achats dans la succursale locale d'une firme cigarettière internationale, une pointure dans son genre, mentaliste sans le savoir.

 

Je les avais préparés à la naissance du premier loulou; qui s'était révélé ensuite un peu décalé socialement. Ils avaient fait un boulot magnifique pour aider ce gamin à comprendre le monde des neuro-typiques, il se mettait dans des situations bizarres à l'école: colorier tout un sapin en vert comme demandé, ça ne lui était pas possible, il le coloriait selon la réalité, tronc brun, et n'en démordait pas, ranafout des consignes. A côté de ça, une mémoire phénoménale. Le deuxième loulou est carrément haut potentiel. Comme les chiens ne font pas de chats, facile de capter que les parents le sont aussi!

 

A pareille époque de l’année, lui m’avait appelé au secours, car elle était hospitalisée pour un léger accident vasculaire cérébral suit à une manœuvre ostéo qui avait mal tourné. On était montés la voir au CHU avec les deux crotchons; arrivée dans sa chambre, j'avais commencé par aller laver mes pompes car en montant dans la voiture avec le poupon deuxième, j'avais marché dans une merde moelleuse, impossible à déloger sur le moment. Impossible aussi dans la bagnole de mettre mes pieds ailleurs que sous le nez de mon pote, heureusement que le trajet n'était pas long... Bref, cette famille m'est spéciale.

Et vous avouerez que marcher dans la houmfa le 1er janvier, c’est plutôt un bon présage. Me rappelle pas spécialement de cette année-là, pourtant.

 

Besoin de les revoir; parmi l'hécatombe de relations moribondes que mon carnet d’adresses traduit par bien des pages blanches, cet abandon mutuel ne me convient plus. Mettre fin à des relations d'un autre âge de construction de la personnalité, larguer celles qui s'appuyaient sur un besoin que les autres aient besoin de moi, c'était bien, et nécessaire.

Mais les perdre eux, douleur. J’espère qu’ils vont m’appeler, et qu’on va passer à pieds joints par-dessus ce vieux malentendu.

 

Je file voir si j’ai assez d’acouet pour m’attaquer à ma grande pièce à vivre, j’en ai marre de ce binz.

 

Bonne année, vouzaut’.

 

 

 

 

 

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16 décembre 2012 7 16 /12 /décembre /2012 08:26

 

 

     Vous je sais pas, mais moi chaque fois que j’entends cette petite phrase assassine, « Je sais ce que tu ressens », tout mon être frémit de révolte. C'est la phrase-bateau des séries américaines…

Non, tu ne sais pas ce que je ressens, tu ne peux pas savoir, tu n’es pas moi.

Voilà la réplique la plus non-écoutante que je connaisse, le summum de la non-empathie. Elle est immanquablement suivie de recommandations et de conseils, de solutions toutes faites à la mesure de celui qui les prodigue. L’ensemble traduit juste le besoin de parler de soi, alors que ce serait le moment de fermer sa grande gueule pour en apprendre plus sur la souffrance de l’autre, histoire de se mettre à son service, vraiment.

 

« Je sais ce que tu ressens », mais c'est juste n’importe quoi. Comme si les sentiments et les ressentis étaient standardisés… mais à la réflexion, quelque part, ils le sont. La psychologie, c’est un truc très précieux qui aide vraiment beaucoup de gens en désignant ce qui n'est que des archétypes culturels, en repérant des valeurs et des croyances comme telles et en les déguillant de leur piédestal de vérités ; par contre, la psychologie à la petite semaine, la psychologisation, c’est un instrument de contrainte pour faire taire ce que la douleur de l’interlocuteur réveille par miroir chez le donneur de conseils ; et par retour logique des choses, fait se taire la personne en détresse.

Ce n’est aucunement de l’empathie, ça, mais de la compassion, en somme, quand on se met à avoir tellement mal devant le souci de l‘autre qu’on n’est plus là, à lui, mais dans sa peine à soi. La confiance faite en mettant dans la confidence est immédiatement détournée pour un profit personnel : revivre une douleur, ou la tenir à distance.

 

Dans les deux cas, on n’est là que pour soi, l’autre est utilisé comme résonateur de nos propres souffrances. Ou si nous ne souffrons pas autrement, l’autre est mis au service de nos propres ambitions.

 

Je me souviens d’un brave couillon d’infirmier qui en servant un plateau de midi, se mit à donner des cours de base de diététique à un diabétique amputé de ses deux jambes, tranches par tranches, dans les 10 années précédentes. Engueulée magistrale de la part du patient, et retraite piteuse de la blouse blanche, qui ne comprenait pas pourquoi sa bonne volonté était si mal reçue. Mais c’est simple mon vieux, et ça se résume comme ça « De quoi je me mêle ? ». Le patient avait vu ses jambes se faire saucissonner année après année, ça servait juste à l’ego de l’autre de commencer à donner un cours magistral absolument inadéquat - de bon coeur, mettons, mais envahissant et intrusif. Le pire, c’est les pleurnicheries ensuite, du genre « il n’est pas reconnaissant de ce que je fais pour lui ». Oh, dis, atterris, t’as juste fait quelque chose pour toi, sans te préoccuper de l’utilité réelle de ta démarche.

Le truc le plus poisseux du soignant, c’est de mettre le patient à son propre service ; mais au fond,  c’est malheureusement la motivation principale de la plupart pour exercer ce métier. L’estime de soi passe ainsi par le besoin d’estime de la part des autres, un truc louche comme la gratification de s’entendre dire que l’on est un demi-saint, le besoin que les autres aient besoin de nous. Je dirais que c'est un truc de bonne femme, ça... Et y'a pas à dire, même s'il y a des garçons dans la profession, y'en a peu, et ils tendent à partir dans les hautes sphères de la hiérarchie assez vite.

Ca me met en rogne, ce besoin qu'on ait besoin de nous ; mais en même temps je ne peux pas en vouloir à des milliers de générations de femmes formatées à être au service de leur entourage, donc par extension, à "être au service de" tout court et de manière générale. Et puis moi aussi j’ai commencé par là, en partie du moins : le fait est que c’était immédiatement rentable et m’assurait mon minimum vital pendant ma formation. Ce n’était pas par esprit de lucre (avec une paie d’infirmière, faudrait y aller !), mais par recherche d’indépendance pour ma survie mentale. Mais comme ceci ou comme cela, une prosaïque histoire de pognon, point-à-la-ligne.

Très vite, le truc relou m’est apparu : mettre en place des solutions à la con, pour s’étonner ensuite que tout s’écroule, mais parce que les ambitions n’ont pas tenu compte de la réalité ni de la personne elle-même. Ce qui permet un éternel recommencement, du haut de son savoir et de son autorité en uniforme, pour recommencer les mêmes conneries, indéfiniment. Et tenir le client en état de dépendance maximale. Quelque chose que j'ai appris en formation, et c'est grave: si l'on n'y allait pas d'un petit laïus plutôt pompeux sur ceci ou cela auprès des patients, l'on était mal noté.

 

Quel soignant gratifié par le sentiment qu’on a besoin de lui va laisser un bénéficiaire de soins devenir autonome et indépendant ? Je n’y crois pas ; ce serait laisser échapper une juteuse perspective de profit personnel.

Je le vois avec une consternante régularité pendant les examens pratiques que je fais passer, la blouse blanche est passée maîtresse dans l’art du gnangnan et du cucul, sinon dans le ton de voix, dans l’art très subtil d’infantiliser quiconque est momentanément ou durablement affaibli. Ajoutez-y la honte d’être torché, lavé dans son intimité ; saupoudrez de l’enchaînement habituel des « Mais vous êtes si gentille » (comme si c’était une qualité intrinsèque - manquerait plus que de rajouter un couplet sur la vocation, qui vient d'ailleurs dans la foulée si souvent! La vocation: terme des plus ambigus dont on ne sait s’il parle d’une disposition naturelle et facile à accomplir quelque chose, ou d’un appel divin interne). Et toute la recette est présente pour perpétuer un malentendu d’intentions assez risible, au fond. Ca me rappelle au passage le stupéfiant couplet d'un garçon prétendant que nettoyer un bébé de ses selles est plus naturel à une fille qu'un garçon, parce que c'est génétique. On me la recopiera, celle-là...

 

Parfois, quand ça partait pour trop me gaver, je glissais que j’étais payée pour ce que je faisais, et que je n’avais aucun intérêt à ne pas être douce dans mes gestes, vu que ça risquait de me donner encore plus de travail. Le silence qui suit est très reposant, croyez-moi. L’album des images d’Epinal se referme… l’herbier à poncifs éculés retourne aux archives…

 

Ce qui me faisait le plus chier, c’est que je me rendais compte que cette attitude se retrouve très facilement dans le privé, la famille, que ça manipule sec dans la foulée, ficelant les relations dans la prison des devoirs, et des dettes morales créées de toutes pièces au moyen de la culpabilité. On n'atterrit pas dans ce genre de profession par hasard non plus, hein... Quand on sait que se proposer pour la vaisselle et le ménage est quelque part la preuve qu'on arrive à maturité pour une fille, mais que pour un garçon, dans certains milieux, c'est limite de se demander s'il n'est pas pédé! (Pardon à tous mes potes gays, au passage), ben on y regarde à deux fois.

C’est fou comme des parents peuvent formater un gamin à confondre « obéir » et « faire plaisir », induisant la superposition de la mortification et de la joie, le bel oxymore que voilà pour un futur masochiste. Ou un soignant, tiens.

C’est ce genre d’ambiance familiale qui m’a facilité l’entrée dans les soins,  heureusement quelque part, sinon cette voie vers l’indépendance financière me serait restée fermée. La rébellion est venue plus tard, quand j’ai commencé à pressentir combien la cornette et le poids du genre féminin sont encore présents dans l’esprit des soins et des soignés

25 ans plus tard, je côtoie toujours aussi peu de mecs de ma génération dans ce domaine de compétences ; je déplore l’esprit « panier-de crabes » d’un métier exercé principalement par des femmes - je dis pas que c'est mieux du côté des métiers dits "d'homme", chaque genre a ses petites habitudes en matière de compétition (l'émulation, c'est si rare). Ce qui me hérisse, c'est que certaines activités permettant tout juste d’avoir le minimum vital soient plutôt l’apanage d’un sexe soumis dès sa naissance et voué aux basses besognes, malgré tout - femmes de ménage, aides en tout genre. Et que l’on ait tant à se débattre pour sortir de la mièvrerie, de l‘infantilisation et du calcul inconscient des bienfaits à soi-même que ça procure, et de l'inconfort si prompt à débarquer quand le prestige disparaît lorsqu’une erreur est commise, comme si la blouse blanche se tenait sur un piédestal branlant. Ce qui est normal… car c’est une imposture.

Le soignant peut d’ailleurs être une démonstration vivante du jugement de valeur : savoir déchiffrer des résultats de laboratoire peut vous donner une aura de roi… et ne pas vivre soi-même les affres d’une dépendance vitale aux médicaments, à l’alcool ou autre chose peut faire tenir des discours effarants de connerie, même si l’on sait palper un foie.

J'entends si souvent dans les entretiens de candidature à la formation d'auxiliaire de santé que la motivation de la personne candidate, c'est que cela lui fait du bien d'aider les autres... que je me dis encore une fois que décidément, on se demande qui soigne qui.

 

A bon entendeur.

 

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14 décembre 2012 5 14 /12 /décembre /2012 09:13

 

 

     Une espèce de vent de folie semble souffler au boulot… on croule sous des entretiens de candidature à la formation d’auxiliaire de santé. Beaucoup plus de refus, il me semble, que le reste de l’année : c’est comme s’il y avait quelque chose à conjurer, des balises à mettre absolument, une urgence ambiante par ailleurs dommageable au cours normal des choses.

 

Beaucoup de refus placés sous le signe d’une insuffisance nette en français, qui aurait dû être repérée par les conseillers-chômage. Des personnes à renvoyer avec l’exigence d’atteindre un niveau standard sans lequel la moindre de leurs interventions en cours est à côté de la plaque, faisant le lit de l’échec programmé - soit six mois au moins de travail assidu en compagnie d’associations du genre « lire et écrire ». Et pas le temps d’évaluer un profil, ce à quoi servent ces foutus entretiens !

Et quand il est réalisé, cet entretien, cela fait beaucoup de gens au comportement inadéquat en regard de ce qui est demandé pour être soignant – ce désir de « faire » pour les bénéficiaires de soins ce qu’ils sont capables d’accomplir eux-mêmes, au lieu d’explorer leurs ressources, ce qui représente le mandat principal d’un auxiliaire de vie. Pas mal de candidatures de la part de gens qui sous prétexte qu’ils ont une bonne expérience commerciale, débarquent avec des credos irrecevables : le client est roi, je connais mon bizness, côté chiffres d’affaire.

     Or le travail auprès de personnes en déliquescence est délicat, demande des antennes affûtées. On ne soigne pas les gens pour aller vers du mieux, mais pour sauvegarder leur autonomie et leur indépendance le plus longtemps possible. On ne les submerge pas de câlins et de tendresses non plus, c’est envahissant et intrusif. On fait des soins palliatifs bien avant l’heure, du côté de la socialisation ou du souhait de ne pas se socialiser de la personne elle-même, c’est même le domaine de santé majoritairement présent. Vous aimeriez qu’on vous impose des animations de groupe, quand toute votre vie vous avez été un contemplatif et un solitaire ? Je me souviens que jeune étudiante infirmière, j’étais sûre de gauler une bonne note en enseignement clinique en plantant mon pépé devant un magazine à la salle de repos, même s’il n’en avait rien à cirer et ne souhaitait que rester perdu dans ses pensées, ou faire un clopet réparateur après une toilette qui l’avait rétamé. Cherchez l’erreur…

D’un autre côté, le même travail tout en finesse demande à être capable de repérer quand un geste devient le truc de trop à faire, qui met la personne au tapis pour la journée et ne lui laisse plus aucune envie de se récréer.

Ce n’est pas seulement laver, nourrir, habiller, accompagner à la marche, comme pour un enfant. C’est tenir compte d’un parcours de vie, d’une personnalité, offrir ce qui est possible, ne rien imposer. Guetter les changements pour déterminer si la situation est installée, ou si c’est juste le fruit du hasard d’une journée.

 

     C’est pas un boulot-poubelle… ça demande de réelles compétences, le cœur ne fait pas tout, et il peut même devenir un handicap tant on veut pour autrui ce que nous estimons être bon nous-mêmes.

 

Bref. La fin de l’année est une sorte de Rubicon personnel pour chacun, et plus il me semble une occasion de mettre en place des objectifs irréalisables que de baster raisonnablement, ou de reporter, de fragmenter ces objectifs, de mettre en place des repères encourageants quand ils sont dépassés un à un.

 

C’est un piège moral, une chausse-trappe à échecs, ces fêtes.

Djizesse n’y peut rien, la dinde non plus, ça ne relève que de nous.

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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 11:38

     Tiens, pour faire changement, je vais vous parler du meuble en carton dans lequel je me suis lancée ce printemps.

 

Il y a deux ans, j'ai travaillé 5 mois pour un musée d'art contemporain qui fêtait ses 10 ans d'activité; le mandat consistait à préparer l'archivage photo numérique des expositions réalisées pendant cette décennie, histoire de libérer le serveur du musée de cette masse documentaire et de la luxer sur celui des Archives de la ville.

 

Une des expos en cours alors que je bossais là-bas montrait diverses pièces de mobilier réalisées par des créateurs de tous horizons. Je suis restée en arrêt devant un montage cocasse de tiroirs, tenus ensemble par un spanset. Un machin incroyable, sidérant: visez l'engin sur la photo, ça rend mal, être en face c'est autre chose, c'est ce strub au fond, vous voyez le morcif?

     Déjà que j'aime ce qui sonne récup', décroissance et toute cette sorte de choses, tentant d’appliquer le principe à « travailler le moins possible pour avoir ce qu’il faut de salaire pour bien vivre ses congés », cet assemblage disparate m‘a vraiment tapé dans l’œil. Je le trouvais beau, harmonieux, reflétant que l’équilibre est un assemblage de déséquilibres qui se compensent.

 

Comme il y a trois ans j’étais tombée sur un site qui parlait de faire des meubles en carton, lentement a germé l’idée de reproduire le fameux meuble…

 

     Donc je prends contact avec la personne qui fait des meubles en carton, je lui expose mon projet, parlant de temps à prendre, de collaborer, de se laisser surprendre. Elle pond un plan, bien dimensionné, aux limites de ce que le matériau permet… et on se lance dans ce défi.

Scie sauteuse pour découper ce truc en 3 exemplaires destinés à le structurer et le solidifier, avec toutes ses découpes, ses jours, ses tiroirs.

De surprises en remaniements, le voilà construit et encollé au début de l’été. Pause longue… et reprise du projet il y a quelques semaines.

Les tiroirs sont faits, on passe maintenant à la déco, phase qui nous libère des tensions, permet de causer tout en passant les papiers jolis à la colle, de les appliquer, là on voit émerger un autre meuble, coloré, à l’aspect aussi bancal et décalé que sa structure.

 

    Savoir se laisser surprendre aussi par la matière, qui change d’aspect lorsqu’elle est imprégnée de colle, laissant paraître sa trame, ses irrégularités. D’autant plus que les papiers choisis ne sont pas toujours disponibles, il faut se rabattre sur un deuxième choix, risquer le décalage des teintes, mais on n’est plus à ça près.

 

Il paraît qu’il fait des envieux, ce meuble.

 

Il me laisse songeuse aussi, car allez classer et mettre en ordre des livres, des objets et des documents dans des compartiments de guingois ! Même mon téléphone va devoir trouver une place stable dans ce truc improbable.

 

Mais bon, pour moi c’est un chemin amusant, dont les balises doivent se décaler si nécessaire, car il y a plein d’imprévus à surmonter. Je n’aime pas trop la stabilité au-delà d’un certain stade, et cette « bibliothèque » doit être lestée de pierres dans son fond pour rester debout une fois chargée.

 

Au-delà du bricolage, tester les limites, la capacité à se déjouer des inattendus en les utilisant à son profit.

 

Que du bonheur, au final.

 

 

 

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